Les trois promeneurs

En ces périodes de floraison où je devais régulièrement me déplacer, je regardais toujours d’un œil mélancolique l’arche boisée au-dessus de moi qui m’étreignait dans mes souvenirs douloureux. Alors qu’il me suffisait juste de rebrousser chemin, j’étais obligé de rester avec eux. Je passais devant les rangées fleuries et me penchais un instant devant l’une d’elles. C’était toujours la même chose, je me revoyais arpenter les allées tandis qu’elle passait là, s’émouvant de la rosée du matin ; et il avait fallu que nos regards se croisent. Dans chacune de ces fleurs étaient contenues sa senteur, sa douceur, sa fraîcheur dont je ne pouvais que bien me rappeler. Et comme mes sentiments s’égaraient ce jour-là, je décidai de couper court.

            Ma mère me disait toujours que j’avais la chance d’avoir une aussi belle robe, qu’il fallait que je la garde soigneusement propre, mais que je devais bien faire attention à la protéger et surtout, de ne pas me faire remarquer sinon, je finirai comme ma sœur. Lorsqu’elle nous avait quittées, mes parents ont longtemps pensé à déménager, habiter au bord d’une rivière aurait été notre rêve. Mais pour des raisons logistiques, nous étions restés. Il est vrai que je ne laissais pas indifférente, des femmes et des hommes venaient souvent à ma rencontre, je leur plaisais, on me complimentait, me disait que je sentais bon. Mais un jour de sortie, alors que je me baladais, de fortes rafales pluvieuses s’étaient abattues. J’avais tenté de m’accrocher là où je pouvais, mais j’avais glissé et m’étais fait emporter. Depuis ce jour, je n’étais plus avec mes parents, ils me regardaient de haut tandis qu’affaissée, je laissais les feuilles mortes caresser ma robe.

La foule, mille-et-une-têtes défilaient dans un flou aérien, migrante vers l’allée centrale du parc. Une marée humaine s’étendait au sol, qu’elle marche ou qu’elle court, le spectacle était le même plus haut ; la légèreté en moins. Ils profitaient des dernières heures de ce dimanche pour flâner avant d’entamer une nouvelle journée de travail. Avec mes amis, nous les toisions toujours lorsqu’ils revenaient sur leurs pas, et alors que des enfants nous lançaient des regards hostiles ; nous sortions notre plus funeste voix pour qu’ils se mettent à déguerpir.