# P4 Tu le sais bien …

Si je pouvais en être conscient … Croyez-vous que je vous soumettrais la naïveté de mon étonnement ? Vous me regardez et confirmez collectivement ce que chacun pense croire (à mon égard) : que je le sais bien. Et puis toi, premièrement, dont les lèvres s’allongent insidieusement pour me le susurrer d’un air canaille. Toi, secondement, dont la lueur d’amusement laisse présager l’obstination de ta réponse par le blanc de l’œil, avant que ta voix ne comble mon évident besoin d’en (ré)entendre l’affirmation parvenue des profondeurs de l’état de fait. Toi, tiercement qui cru bon de confondre mes facultés par la répétition d’un surnuméraire niveau de gracieuseté. (Soufflée celle-ci sonna comme une mise en garde). Toi enfin, qui distilla la scène, la remua dans le glougloutement de ton âme liquescente et cru bon d’y ajouter par la précision de ta sagesse, garante de la vérité en ces lieux, monopole de conscience des événements d’alors, la sonorité chétive et minutieusement retenue, la confirmation enfin, que tous attendaient, de leur délire … Plus de tergiversation : honte catégorique envers celui qui ne pourrait satisfaire à cette exigence. Ah je le sais bien, certes mais seulement ce que vous pensez de moi : que je n’étais pas franc, que je voyais venir la chose depuis longtemps, que je doutais de pouvoir jamais faire attendre mon entourage davantage, à dessein. Rien de plus faux. Il me reste le ressort de l’évasion par le truchement d’un silence contrit ou bien le changement de sujet me tendant également ses bras salvateurs. Quitte à jouer le parti de la naïveté … Non, je préfère la lâcheté. Oui je redeviens raisonnable voyez-vous, j’acquiesce. Tout ceci n’était qu’une petite blague, une cachotterie personnelle, il est clair que je l’avais toujours su. Quel humour ravageur, il nous faisait marcher ! Et pourtant le savais-je qu’elle avait cru m’aimer ?

A propos de Clement Martin

Hop. J'en suis. Jeune enseignant très heureux de sauter le pas de l'action dans cet atelier de François Bon dont je scrute avec intérêt les vidéos et recommandations depuis un certain temps et qui sont devenues pour moi une source de motivation constante. Grand désir de plonger cet été sous les mots afin d'inonder mes habitudes d'un coup de pouce littéraire. Matériel d’écriture : table basse sur parquet clair qu'éclaire une fenêtre de toit en sous-pente, boite chinoise en porcelaine, tasse à thé en terre cuite régulièrement approvisionnée munie de sa bombilla en cours d'oxydation, ordinateur Lenovo à quinze pouces, lampe de papier, coussin de kapok (2), banquette de kapok, matelas de kapok, méridienne d’occasion, fauteuil de cuir brun, piles de livres dans de nombreux coins, tête farcie par les ambitions du jour.

2 commentaires à propos de “# P4 Tu le sais bien …”

  1. Dur, dur est la chute…
    D’abord, une mise en condition, on est dans le jeu social, et plus ça avance et plus l’expression banale se fait pointue, comme une arme, jusqu’à la révélation. Réussi !

    • Rectification de la temporalité. Plus clair de cette façon me semble-t-il : une problématique de mère-fille de mon point de vue, mais je ne verrouille pas totalement l’interprétation. Sans ce retour je n’aurais pas perçu la possibilité de préciser davantage la tonalité dramatique, Merci ! (J’avais imaginé ce texte avec une intention légèrement comique au départ. Faut-il rater une comédie pour mieux poser un drame ?)