#photofictions #01 (3) | elle est pas là moi

Elle se cachait. Elle tendait un torchon devant sa figure. Ou bien c’était une main en éventail. « Elle est pas là moi ». Est-ce qu’il existe une photographie de ce jour là avec sa voix? une image? Ce matin j’aimerais ne pas être là comme elle autre fois dans son corps d’enfant. Là tout entière pas là. Pour vous cacher quelle image ? Une robe couleur de pluie? Ce matin il faut partir. Ranger trois choses. Au pied du figuier les fruits tournent à l’aigre. Elle est pas là, lui: le soleil. C’est un gris atone qui fait ciel. Comme sur l’image avec le pigeon. Qui n’est pas là. Lui. Non plus. Aussi…

C’est avec le téléphone dont j’ai brisé l’écran. Un jour dans le onzième arrondissement de Paris, avant la chute (du téléphone, qui depuis enveloppé dans un film plastique fait des images floues). Il fallait faire vite. Le saisir la tête dans le sac. Ce trou minuscule où il a fiché sa tête d’oiseau. Fait l’autruche ou le pic vert? L’image n’ a aucun piqué elle non plus: lui sans doute qu’il pique ou boit. Suis pas dans sa tête. Même si. Pigeon sur le carreau. Gris atone.

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

10 commentaires à propos de “#photofictions #01 (3) | elle est pas là moi”

  1. Superbe ! Les deux textes se répondent magnifiquement. On est emporté dans cet écart dont parle François.
    J’aime beaucoup !
    Merci Nathalie.

  2. J’adore ce titre où résonne toute la joie des petits enfants, j’adore l’oiseau pour y répondre !

  3. (je me souviens d’elle qui, en juin, à la clinique vers Puteaux, derrière son drap qu’elle tendait devant, elle disait non, qu’elle ne fumerait pas, plus, plus jamais – non tu n’as pas une cigarette ?) (j’aurais aussi préféré n’être pas là…) (ce soir, il pleut sur Paris)

  4. Françoise, Fil, Elise, Ugo, Catherine, Piero Merci beaucoup du passage et des mots ( d’être là)

  5. ce jeu enfantin qui revient comme un écho, et en écho, ce cache cache fondamental, corps vu pas vu, présent absent, et le hors champ toujours, avec toi,

  6. Déjà, superbe photo !
    Ensuite, le texte, aussi génial, court, il dit tout, va à l’essentiel.
    Et les images, le ciel gris atone, la robe couleur pluie, les fruits qui tournent à l’aigre au pied du figuier.
    On se prend d’affection pour ce texte.
    Merci.