#photofictions #01 ( 2) l les gants de caoutchouc roses

Le four pue et fume, elle l’a aspergé de produit. Achète des gants en passant, pour rincer ce sera plus prudent… toutes ces vapeurs toxique qu’on respire! C’est moins terrible que l’odeur de graisse brûlée tu ne crois pas ma chérie? Tu te souviens de ce que disait ta grand mère : les vacances c’est juste changer d’évier (ou de four) …
Des gants j’en ai vu quelque part. Je crois qu’ils m’attendaient. J’ai l’appareil dans le dos puisque je m’apprête à sortir. Je me concentre. Je creuse mentalement. Ma mémoire m’inquiète. Où ai-je vu les gants? hier encore le titre de ce livre qui ne revenait pas. Toujours je bute sur celui-là. Il y a un coquetier en couverture. C’est de Marcel Cohen… Sur la scène intérieure. Sur la scène : ce qui reste. Une chose insignifiante comme un trésor. Ce coquetier bleu… Quand j’avais vu les gants j’avais voulu prendre une photographie mais je n’avais pas l’appareil. Ces gants de caoutchouc qui criaient qu’on les regarde. C’est dans la cour, sur la table à l’extérieur! Ces gants de caoutchouc rose ils m’attendent. C’est comme le panier l’autre jour renversé sur la pierre du jardin, l’air de rien qui faisait signe. Je prends la photographie. (avec mon appareil reflex 550D Canon et l’objectif 50mm fixe ). Je retourne dans la cuisine: c’est ça que tu veux, je le lui demande en lui montrant l’image sur l’écran. C’est joli toutes ces lignes, ces couleurs: ces roses, ces écrus… C’était où? Le lit c’est terminé? tu photographies des gants à présent? c’est vivant, très gai mais ça ne fait pas du tout avancer mon affaire. Va faire ta balade ma chérie je peux très bien aller m’acheter des gants, je ne suis pas en sucre…
Je pose l’appareil. Je retourne dans la cour enfiler les gants. Le four est propre. Presque. Les gants ont noirci.

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

12 commentaires à propos de “#photofictions #01 ( 2) l les gants de caoutchouc roses”

  1. J’aime beaucoup, ravie d’avoir lu ton texte pour reprendre pied dans ce nouveau cycle!

  2. « l’air de rien qui faisait signe«  Merci Nathalie Holt. Bonheur de vous retrouver dans ce labyrinthe des mots. Et avec vous, toujours, cet art qui transforme des fragments en nouvelles. Merci Nathalie.

    • ( zut nouvelles c’est pas trop la consigne ). Les objets qui nous appellent quelques fois … Oui! Merci Ugo

  3. (la mémoire est toujours inquiétante (je te rassure?) – elle n’en fait qu’à sa tête – la nôtre peut-être mais enfin…) (on a de ces absences parfois, et simplement d’oublier qu’on cherche permet de trouver) (« les vacances c’est juste changer d’évier » : dure dure (mais juste j’ai l’impression) la grand-mère quand même)

    • si elle est toujours inquiétante — la mémoire – alors je suis tout à fait rassurée … ( en vrai une grand mère très tendre avec beaucoup d’humour) Merci Piero d’être passé lire

  4. Vivant, un chouille ironique, un fonds de crasse discret dans les rainures des gants, comme j’aime. Merci Nathalie