Autobiographie #07 – Quelques portes

Lorsque vous passiez le petit bac en pierre où coulait l’eau transparente et fraiche de la source, au milieu du mur en pierre sèche, il y’avait une porte étroite en bois qui avait été peinte en bleu et qu’il ne l’était plus ; aucune poignée ne permettait de l’ouvrir, il suffisait de la pousser, son bas vermoulu résistait un peu sur la terre et grinçait. De bon matin, aussitôt la porte ouverte, le soleil s’étalait sur votre visage et vous réchauffait.

Au bout du couloir, une porte blanche sans grande valeur esthétique — à la poignée plus qu’ordinaire même — portait une trace de coup, une sorte de blessure qui en laissait voir l’intérieur : une succession d’alvéoles d’où coulait une poudre blanche et plâtreuse. 

Une grande porte monumentale — de couleur verte, ornée d’angelots dont il ne manquait que le rose aux joues et de plaques de cuivre rutilantes — était si lourde qu’un jour un voisin la poussant de tout son poids, ayant pris appui fermement dans le sol, était parvenu à l’ouvrir et s’était exclamé qu’elle portait bien son nom. 

Les portes d’une voiture du métro, leurs fracas à chaque station. En tirant la poignée, l’ouverture automatique et rugissante qui s’en suivait suspendait le souffle. Sur la vitre, un autocollant montrait un petit lapin, un chiffon à la main. 

Au sommet d’un marchepied, pressant de la main — parfois des deux — la lourde poignée de la portière d’un vieux train, celle-ci d’abord semble résister puis se plie en deux et vous laisse descendre bien que vous pensiez ne pas parvenir à sortir. 

En vieux chêne, une corbeille de fruits ouvragée décorait la porte grinçante sur ses charnières de fer noir, ses fruits éternellement frais. La clé à l’anneau de laquelle pendait un ruban rouge ne quittait jamais sa serrure. 

Une autre porte dont les fines baguettes de bois encadraient une grisaille : quelques chasseurs à cheval sonnant du cor à la poursuite d’un grand cerf. La poignée en laiton n’était pas loin. 

Fermée à double tour, la clé dans la serrure à l’extérieur, le temps s’allongeait considérablement et rien d’autre que des ruminations sur cette porte peinte en blanc avec sa poignée en acier bon marché. 

Il n’était pas nécessaire de pousser la porte vitrée de la cuisine et son apparence même était celle d’un grillé aux pommes. 

La porte transparente de la bibliothèque se décorait de ce que l’on pouvait y voir au travers et la faire glisser, c’était prendre le risque d’y laisser des empreintes, les titres des livres devenaient alors flous.

Les portes du métro bien plus tard, celles dont le fracas ne fait plus peur. Le design du lapin sur l’autocollant a changé. En dessous : Ne mets pas tes mains, tu risques de te faire pincer très fort. 

Le bruit du verrou de la porte de la salle de bain comme s’il n’y avait que lui et que la porte n’existait que par son verrou. Il en était de même avec la porte des toilettes qui comme celle de la salle de bain ne présentait aucun autre intérêt que d’être utilisée à des fins personnelles. 

La porte du grenier était comme celle de la cave, elle faisait peur à l’idée de la voir bouger ou simplement de l’entendre. 

La vieille grange s’ouvre en tirant simplement sur un loquet. Soudain, la porte ainsi libérée vous vient dans la figure si vous ne l’arrêtez pas de la main – bien qu’elle ne puisse aller plus loin que ses gonds. 

À la cave, contre le mur du fond il y’avait trois portes entassées les unes sur les autres, l’humidité avait commencé son travail de destruction lente et à côté un tas de poignées enchevêtrées montraient qu’elles avaient bien été désamorcées. 

A propos de Romain Bert Varlez

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