#enfances #06 | Sa voix

La voix nous convoque au présent. Elle nous rend présent, nous présentifie, nous rend à notre corporalité. Un présent incessamment renouvelé.

La qualité vibratile de la voix appelle, suggère le ductile. Une voix qui caresse. Une voix qui hérisse.

La voix s’élève avec le souffle depuis l’abdomen, soulève les poumons, gagne la gorge, la bouche, jusqu’au nez. Puis elle traverse l’espace pour nous atteindre par le conduit des oreilles, et, si l’on est attentif, par la vibration du son, reprend le même chemin et vient se loger à l’intime.

Hors sens, le timbre, le grain d’une voix m’atteignent comme un signal : c’est lui, c’est elle.

Depuis la vie utérine, il semblerait que nous soyons plus sensibles aux voix graves. Etre attaché à la voix de son père, à la voix de sa mère.

Il y a des voix chaudes. Il y a des voix froides. Certaines sont rondes, décrivent des courbes. D’autres sont anguleuses. Certaines vont droit au but, d’autres font des méandres.

Chez le petit enfant, il ya une jouissance à projeter le son hors de soi. Donner de la voix.

Donner de la voix, c’est aussi s’approprier l’espace. Sa voix qui résonne et rebondit juste pour le plaisir sur les parois de la grotte d’Arcy.

Il avait une voix de stentor, « une voix de bronze (qui) faisait autant de bruit que cinquante hommes » – L’Illiade. Une voix de ténor mal placée mais qui produisait de l’effet parce qu’il avait du coffre. Il avait une belle voix. Il chantait faux, mais chantait dès qu’il le pouvait.

Au besoin, il parlait toutes les langues. Débarqué en Espagne, le franco espagnol s’imposait. A un mariage britannique, il pratiquait le franglais. Il ne connaissait pas la barrière de la langue, ne manifestait aucun embarras. Un élan le portait vers les autres, et cette envie de leur parler, de faire acte de présence comme d’acquiescer à la leur.

A propos de Stéphanie Buttay

L'écriture accompagne depuis toujours ma pratique du dessin et de la couture. Voire, elle les précède : création de livres d'artistes notamment avec l'ami poète Werner Lambersy. Représentée au Musée de la création Franche à Bègles et au Prieuré Saint Cosme pour le Livre pauvre, j'ai publié aux éditions du Carnet du dessert de lune et dans la revue Cabaret.

4 commentaires à propos de “#enfances #06 | Sa voix”

  1. voix signal… qui hérisse, qui rebondit, une voix de bronze… voix dans la matière des langues ( quand je pense à elle qui me parle dans sa langue maternelle ou dans la langue acquise est-ce que ça change sa voix?) … merci pour les chemins Stéphanie

  2. Oui Nathalie, il semble que les voix tracent des chemins, elles se déplacent dans l’espace et dans le temps… Je reste sous le coup de votre question comme un point d’interrogation. En tout cas, bonne journée !

  3. Passionnant à lire, tout ce qu’on pense à chaque nouveau passage, jusqu’au final « l’élan qui le portait vers les autres,[…] de faire acte de présence comme acquiescer à la leur. » C’est si beau. Merci.