#techniques #07 | Chienne de course

Barre-toi ! dans l’entrejambe, le portillon qui bâille. File ! Passage en force, un cri qui part et le nuage de poussière.                                             Sors ! Sors ! Le brouillon de poules volantes à caqueter. Suis !                                            On fuit, la vieille chète sur un grillage de rouille. On fuit la gueulante dans le dos, la cour à ciel ouvert. On suit, la coue drète, les roues, les portières, un éclat de soleil.                                   Sous les griffes la glace des flaques fend. D’un côté le voile d’ombre sous le balet, une carcasse de tracteur à trois pattes, un buisson d’orties sur un éboulis. L’autre, la petite maison ça sent le sapin.                                               Barrières droit devant. Se musser dessous. Le mur de peupliers flottant se redresse. Hollalas courants derrière.                    La clôture, le portail du jardin, pris dans le lierre, et le tunnel, la toile blanche tremblante. On ressort sur un tas de cendre, ça vole.                                                      La caravane sur cales, le passage entre deux arbres, le bloc de pierre fendu sur la rivière. La dentelle d’ombre s’ébroue dans le courant.                                              On saute dans le champ. On se lance dans les grandes herbes. On court, la coue drète, l’œil fouetté, une orchidée sauvage dans la truffe, barbe de bouc, pyramidale.                                         Le passage à gué, les cailloux instables ça éclabousse.                                    On les entend au loin, derrière. Et devant, une armée de grillons dans la forêt de maïs. La vie sous terre en ultrasons. À remonter un rang. Droite, gauche, toujours la coue bllanche devant.                                              Courir à casser les feuilles des arbres épis, les feuilles coupantes, à cingler les oreilles et la langue.                                                    Peignards et gaillet de bêtes sauvages, camouflées, collés au poil.                                                       À courir, à courir ensemble. Et pimer comme dans ces rêves de chasse à brasser la bête pas si endormie. Des feuilles blêmes plein les gueules, au degré zéro de l’horizon.                                                                          Quand vient la levée. Quand vient le saut sur le chemin. Du soleil, à l’aveugle. Le saut de justesse, pattes arrière dans le fossé. À déraper. Graminées dans l’œil. Le coup de reins et l’autre qui se barre dans le chemin. L’autre à rattraper. Une tirée dans le coteau. Plein de caillasses. La côte à l’ombre d’une haie d’arbres.                                       Dernière levée, le chemin comme une tranchée. De lumière grise et d’air vif dans la truffe, la gueule ouverte. À jhaler.                                       L’autre à virer au bout du crib, la structure vide. À se jeter dans un rang de vigne. La coue bllanche en point de mire dans la galerie de feuilles qui défilent, et deux oralles nèg’ au fond, dans la ligne d’air où ça sent le fauve, le foin digéré, la terre fraîche, les racines. Deux oralles drètes, à détaler. À filer ici, là.                                                  Un bruit de tracteur ou d’enjambeur.                         À se musser sous les rangs, de mur de feuilles en mur de feuilles. À foncer dans un fourré de ronces et la masse du Bois Joli. L’autre à se foutre dedans. Et cahule la queue entre les jambes, cahule ! cahule !

  • Les fluctuations de la mise en page, quand la version en ligne réorganise la version papier (virtuelle), qui pourtant venait d’infléchir les versions en ligne.
  • L’apparition de la main, dans les images, comme une nécessité : l’idée de mettre en avant le pouce préhenseur des primates, par quoi on prend, on tient, on serre, on tend, on donne. Et après ? Cette main seule, comme dans la Famille Adams, qui court d’une image à l’autre : quel imaginaire ? quel bestiaire ?
  • Images glissées — et tout de suite me vient à l’esprit la course du chien qui se barre, à plusieurs, en meute, et toi derrière, ce jour-là à suivre la piste, très vite lâché, trop vite perdue. Et ce peu de chemin parcouru, ça t’emmène où tu traverses quoi à toute berzingue derrière le chien qui se barre ?
  • (Se mettre à hauteur de chien ? vue mauvaise et truffe au vent ?)
  • Dans sa chambre, f a dit un jour : Il y a besoin d’ombre sous la parole : c’est cette ombre, qu’on partage, parfois plus que la parole même. Je souscris.
  • Et Chatf n°7 (par bribes) : (05:08) bouts de briques roses et blanc à la fenêtre 3 branches de figuier ont cassé les vitres donc on est à la fois dans quelque chose d’une poétique à la fois dans une sorte de narration une sorte instantanée avec présence du lieu mais dans cette présence ce à quoi on fait appel c’est à l’instant de méditation c’est votre propre instance de temps de ralentissement d’isolement de silence de méditation qui vous permet d’appréhender ainsi le lieu et réciproquement || pas possible de faire ce travail pareil sans prendre son temps préalable de boire je voudrais vous désigner une frontière une fissure elle fait que Bernard Noël s’installe des (08:58) deux côtés de cette frontière aucun des deux côtés n’existerait sans l’autre et cette toute petite frontière c’est qu’elle va nous désigner ce sera ça l’exercice d’écriture || c’est-à-dire que dans ce genre de poème chaque vers est une image séparée de la précédente séparé de la suivante c’est à dire que le fonctionnement qui va naître par l’opposition texte ville et texte train c’est que là le poème est bloque c’est que là on a évidemment un bloc aussi mais un bloc qui est fait d’instantané séparé les uns des autres || et simplement c’est travailler sur comment un texte peut s’établir à partir d’images discontinues une image vient c’est instantanée le temps de voir le temps d’écrire et une autre à remplacer une autre notation glissée et notation encore instantanée tenue qui peut être là de réflexion subjective ou sur la langue de ce qu’on vient de voir et qui dit c’est et qu’est-ce qu’un texte || ça bizarrement voilà je me fais texte fait d’images glissée parce écrite sur un trajet et qui redonne l’idée justement du trajet travail sur ce qu’on voit au travail sur prenez des coches de Montaigne tiens fini son là || (21:33) ralentit du temps et à la tête contre la vitre et le paysage au lieu des vitres à leur diligence je l’assume et [Musique] des coches de montagne c’est là que se fait le retour sur soi et il se fait par cette méditation qui vient du paysage qui surgit et qui s’enfuit
Figure 5 – Caméra chienne – photo © i-korotchenko.livejournal.com (vue le 30052023)
  • (Rappel : f et moi-même déclinons toute responsabilité pour les probables erreurs générées par l’application en ligne dérivée de ChatGPT.)
  • Sous le balet : dans le hangar – se musser : se glisser sous – la coue drète/bllanche (prononcer bian’he) : la queue droite/blanche – pimer : gémir – hollala : barbarisme dérivé de hallali et de la locution interjective Oh là là !jhaler : haleter – les oralles nèg’ : les oreilles noires – cahuler (le h bien expiré) : aboyer plaintivement (dans les bulles de Boule et Bill, ça fait Kaï ! Kaï !) – chète : tombée, chue.
  • Les comparaisons sont des raccourcis. J’ai écrit comme bêtes sauvages. Mais il ne s’agit pas de le dire, il s’agit de le donner à voir, de le mettre en scène. La comparaison signale un manque d’imagination. Mais le comparant participe de son dispositif. Il faut appuyer dessus, pour enclencher le processus, la simulation.
  • (Quelques mots pour réviser mon patois à l’aide du Glossaire des parlers populaires de Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois en trois tomes, et du Dicopoitevin en ligne (« su l’arantèle »). Mais au-delà du folklore linguistique local, dans cette course effrénée, la course de la langue, les sauts du patois (une course en sac un jour de fête des battages) avec les cheuns, ça aide vraiment à pousser, presser la langue ?)
  • Pas de main sur l’image, mais la patte humaine est partout. Le porte-revues, les chaussures à son pied, les lignes blanches, le chien en plastique harnaché, simple support et argument de vente de l’œil d’Horus, indique que le chien réel qui la portera vaudra moins pour ce qu’il est que pour l’espèce de réalité augmentée, camouflée, rincée, qui l’enveloppera et qu’il apportera à son maître, derrière son écran et pourquoi pas un viseur.
  • (Notons que j’ai peu ou prou le même objectif, mais de manière inversée : derrière mon chien en tête.)
  • Les deux voitures dans la cour : la Ford Escort de Ben et la R30 aux phares ronds de papa. Toujours à la même place.
  • Pas de main, et quand la main disparaît, l’homme est là mais l’humanité se retire. Ou alors elle est là, comme ses pieds.
  • A-t-on remarqué que l’adjectif effréné provient, comme beaucoup d’autres adjectifs, d’un participe passé, donc d’un verbe, effréner, qui n’existe pas (ou plus : dans le dictionnaire Godefroy, esfrener signifie « faire secouer le frein à » ; dans le Dictionnaire du Moyen Français, effréner, en emploi pronominal : « s’énerver, se mettre en colère ».

A propos de Will

Formateur dans une structure associative (en matière de savoirs de base), amateur de bien des choses en vrac (trop, comme tous les grands rêveurs), écrivailleur à mes heures perdues (la plupart dans le labyrinthe Tiers Livre), twitteur du dimanche sur un compte Facebook en berne (Will Book ne respecte pas toujours « les Standards de la communauté »), blogueur éphémère sur un site fantôme (willweb.unblog.fr, comme un vaisseau fantôme).