#enfances #06 | D’un avion au ciel

Je parle d’une voix qui n’existe pas. Je parle d’une voix qui ne s’entend pas. Je parle d’une voix qui n’est pas dans le monde. Pas parmi. D’une voix qui ne se partage pas. 

*

Sans entregent.
C’est entre cette voix et moi. 

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…………………

*

Comment dire que la traînée sonore, isolée, d’altitude, d’un avion au ciel, est ce qui s’approche le plus, concrètement, de cette voix ? Un avion de ligne. Un avion transportant ses passagers. Les déplaçant en l’air, suspendu. D’un point à un autre. Traçant sa droite. Un avion haut au-dessus de la tête : dessous, isolé de même, quelqu’un. En prolongeant, dans l’écoute, le passage. Dans l’immobilité. Dans l’attention. Suspendu de même. Comment dire que quelqu’un au sol, debout tendu sur la Terre, est la laisse sonore du sillage d’un avion au ciel ? — Ce que cela mobilise en quelqu’un…

J’entends une voix. 

*

Elle s’approche ainsi. Se faisant entendre par les airs, de par le frottement sur eux, la pénétration en eux d’un avion. D’un autre. Elle se propage ainsi.

Elle est dans l’air. L’air en est traversé… 

L’air en est traversée… 

L’atmosphère en est traversées… (Droites… Transversales… Ellipses… Trajectoires… Tangentes…) Elle s’efface ainsi. 

*

Tangente, la voix qui ne se peut pas. — Peut-être finalement pas dans l’air cette voix. Pas de ses dimensions. Pas de ce côté. — Mais comment concevoir une voix non aérienne ? Couloir cependant…

*

Aphone. 

Voix sans voix : un souffle. Elle me suspend la parole. Me fait : cht… 

(Il ne lui manque que la parole.) 

Un chuintement… 

Elle manque de souffle. — Peut-être est-ce
qu’elle
manque le souffle. 

*

Cette voix — supposons qu’elle ne peut être entendue, ne peut être reçue, qu’elle n’est audible, et émise, qu’à travers des répercussions, des réverbérations. Qu’elle ne peut être reçue et identifiée que préalablement, voire simultanément, spontanément, produite, soit inventée, manifestée, par échos interposés. Elle est un produit. Elle se produit. Cette voix est un dispositif. Un appareil d’échos.

Voix ne lui est qu’un prête-nom. Un propagateur.

Ce qui me descend là du ciel a ailleurs sa source.

*

… Je l’entends à peine. J’en suis empli cependant. Ampli. 

Je la distingue à peine (de moi). 

La voix du sang… … … … … … … …
… … … … … … … … … … … … … … … … … … …

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