la fabrique | Xavier Georgin, une année d’ateliers sur la ville

Cette année 2020-2021 j’ai animé cinq ateliers autour du thème de la Ville. Trois groupes étaient constitués de lycéens pro, futurs électriciens. Les deux autres étaient une 4e et une classe UPE2A-NSA (NSA signifie Non Scolarisé Antérieurement).

Jusqu’à présent je n’avais jamais animé autant d’ateliers sur une période aussi courte. Travailler sur le même projet est une chose intéressante. Je ne pensais évidemment pas proposer la même séance à tous les groupes chaque semaine mais je ne m’étais pas imaginé que la dynamique, l’atmosphère de chaque classe induirait des rythmes et des propositions si différentes dès la troisième séance.

Le projet s’intitulait « Ma Ville : Mode(s) d’emploi ». Il s’agissait d’écrire sur la ville telle que la vivait les élèves (d’Aubervilliers, de Sevran et de Champigny-sur-Marne) en s’autorisant des échappées vers d’autres lieux, proches ou lointains, attachés à des souvenirs récents ou anciens. En fin de projet (au bout de 25 heures d’atelier) je leur ai demandé de choisir un seul de leurs textes. Regret de n’avoir su quoi faire des dix ou quinze restants. Nous avons travaillé la mise en voix des textes, les avons enregistré et j’ai placé ces sons sur une carte de la ville, chaque élève proposant ainsi une étape du parcours collectif. Voici un exemple : https://www.guidigo.com/Tour/France/Aubervilliers/Ma-Ville–Mode-s-d-emploi–Aubervilliers/hIkVMBnDdNU

L’appli Guidigo repérée grâce au parcours conçu par Pierre Ménard (Philippe Diaz) à Argenteuil https://www.guidigo.com/Tour/France/Argenteuil/Argenteuil–la-ville-a-l%E2%80%99ecoute/_-qTu5DUh90 est d’une grande simplicité et le résultat qu’elle offre plaît énormément aux élèves.

Travailler avec des élèves aux parcours scolaires et humains si différents aura, parfois, été…compliqué pour moi. Animer un « atelier d’écriture » avec des élèves qui n’ont jamais été à l’école et en sont au tout début de l’apprentissage de l’alphabet ? Compliqué ! Nous avons avec leur professeure organisé plusieurs balades – promenades de deux heures où je notais les éléments du paysage qui leur plaisaient et leur semblaient représentatifs de Sevran. Avec ces élèves j’ai vite laissé de côté les textes d’appui que j’utilisais ailleurs pour me concentrer sur les inventaires (lieux où vous avez dormi, objets de vos maisons, etc.) et prendre du temps pour travailler la lecture à voix haute et les enregistrements. Je ne suis pas certain que le parcours numérique terminé soit vraiment passionnant pour qui n’était pas présent mais j’aime écouter leurs belles voix, leurs hésitations, leurs premiers pas en français : https://www.guidigo.com/Tour/France/Sevran/Ma-Ville–Mode-s-d-emploi–Sevran/N3Rog0hIJJA

Villes de naissance des élèves d’UPE2A-NSA. Cet atelier m’aura donné l’occasion de retravailler mes majuscules oubliées depuis l’école primaire…

L’expérience aura été bien différente avec les élèves électriciens. Les classes de CAP étaient constituées d’élèves récemment arrivés en France et les Secondes d’élèves qui ont grandi ici. Tous étaient très éloignés de l’écrit. Mes séances étaient conçues de façon plus classique que celles avec les UPE2A : lecture du texte d’appui, discussion, temps d’écriture puis de lecture à voix haute. Je me suis vite rendu compte que les textes que j’apportais ne les aidaient pas vraiment à se lancer, que le Japon de Sei Shônagon, l’usine de Leslie Kaplan, les inventaires de Valérie Mréjen ne leur racontaient pas grand-chose…Mais peut-être m’y suis-je mal pris. Seuls « Autoportrait » d’Edouard Levé et ce poème de Jérémie Tholomé leur auront évoqué quelque chose : https://youtu.be/5yB0Q97NLgE

Dans ce travail en lycée professionnel j’ai été aidé (et soutenu) par le journal de bord qu’a tenu Antonin Crenn d’une expérience proche de la mienne : https://remue.net/antonin-crenn-au-lycee-charles-de-gaulle-paris-xx Quel réconfort de lire les hésitations, le sentiment d’être parfois « à côté de la plaque » que ressent l’animateur face à des adolescents…

Une image de la dernière séance de décembre 2020. Les mots de l’année pour les élèves de Seconde Electricité…

A propos de Xavier Georgin

Xavier GEORGIN est auteur, animateur d'ateliers d'écriture et membre du collectif La Ville au Loin (https://la-ville-au-loin.fr/). Il écrit des textes où se rencontrent histoires familiales et traces dans l’espace urbain puis les met en son et en images sur son site internet www.xaviergeorgin.fr

13 commentaires à propos de “la fabrique | Xavier Georgin, une année d’ateliers sur la ville”

  1. Merci Xavier pour ce partage d’expériences. Les autoportraits des participants ne sont pas actifs sur guidigo. Il y a une manip à faire ? Je trouve que la démarche est très intéressante (carte + lecture audio) et implique bien les jeunes. J’ai travaillé avec des collégiens en UPE2A en 2020 dans le cadre d’un concours d’écriture de l’Education Nationale « A table ». Les jeunes étaient du niveau 6e jusqu’en 3e. Certains ne restaient qu’une heure, d’autres les deux heures hebdos. Il faut s’adapter constamment. L’enseignante était heureusement présente. Je cherche les docs et j’écrirai un texte sur cette belle expérience.

    • L’idéal c’est de télécharger l’appli mais sinon il suffit, sur la page d’accueil, de cliquer sur Démarrer. La carte s’ouvre avec les « épingles » de chaque élève et leur enregistrement.

  2. très intéressante cette expérience, xavier. varier les supports et engager les participants, ça fonctionne bien. parfois un peu moins bien, mais ça n’empêche pas de poursuivre, de tenter à nouveau en apportant des variantes. c’est une bonne base de réflexion. merci à toi

  3. J’aime beaucoup le principe de la carte avec ses audios qui les accompagnent. Par contre, comment faire pour les écouter? Il faut avoir téléchargé l’app et s’être créé un compte?

    • L’idéal c’est de télécharger l’appli mais sinon il suffit, sur la page d’accueil, de cliquer sur Démarrer. La carte s’ouvre avec les « épingles » de chaque élève et leur enregistrement.

  4. Merci beaucoup Xavier pour tes essais, tes doutes, les pistes que tu as prises. C’est riche d’enseignement.

  5. bravo ! pour les avoir motivés les élèves de UP2A – tellement envie de … mas suis petite main sur leur lieu de vie et malgré leur désir d’apprendre ai d »jà du mal à les coincer pour essayer d’exploiter leurs premiers contacts, et ils n’oseraient en demander autant

  6. Merci Xavier pour ce partage de belles expériences ! Je m’en suis servi, en allant voir aussi les sites d’Antonin Crenn et de Pierre Ménard, mercredi dernier pour un premier atelier avec des adolescentes en Hôpital Psychiatrique. Une première pour moi, mais ça fait longtemps que j’attendais ça (curiosité d’enfant pour le métier de mes parents infirmiers psy).
    L’idée était de commencer en douceur par un atelier ludique, avec supports, et qui permette de s’évader. Comme je ne savais pas d’où elles venaient, ni qui viendrait d’une séance à l’autre, j’ai conçu des séances isolées et pour cette 1ère imprimé plusieurs cartes. La région, les villes voisines et le centre ville.
    J’ai proposé à chacune de choisir un lieu soit parce qu’elles le connaissaient soit parce qu’il leur inspirait un autre lieu, un ailleurs, puis d’écrire un inventaire ou ce qu’elles voyaient depuis une fenêtre ou encore une scène vue, un souvenir, voire une fiction, etc.
    Cette consigne arrivait après des échauffements : écrivez ce que vous voyez depuis la fenêtre (« super, les vieux de la gériatrie! » a dit l’une d’elle!) en s’appuyant sur R. Bozier (merci François!), que j’aime beaucoup et qui permet de montrer que même avec une vue dite pauvre, personne ne voit la même chose et a une vision du monde singulière. Ca leur a aussi donné un bassin de mots dans lequel elles ont puisé ensuite.
    Puis je leur ai demandé de s’entendre sur un mot de la ville (on a choisi « rue ») et d’écrire 10 phrases avec.
    Elles ont bien écrit à chaque fois, l’inspiration était là.
    Seul écueil : l’une d’entre elle n’a plus voulu lire dès la 2ème proposition et ça a fait contagion pour la 3ème. Pour le prochain atelier, je me demande si je ne proposerai pas un joker avec le droit de ne pas lire un texte par atelier. Pas fan du concept cependant. Si vous avez des idées ou façons de faire, ça m’intéresse.
    Voilà pour le partage ! Prochain atelier mercredi, elles veulent aller vers la fiction. Je m’appuierai sûrement cette fois sur des photos ou des peintures de lieux (E. Boudin, Hopper, Depardon et de jeunes photographes) puis sur des esquisses de personnages. Pas de silhouette à la Koltès qui donne de très belles choses mais parfois peut-être trop abstrait pour certains (François, j’aimerais bien avoir ton retour d’expériences là-dessus) mais pourquoi pas un geste qui révèlerait le personnage (Odile Pimet et C. Boniface en parlent dans Ateliers d’écriture) ou bien un comportement ambigüe. Des chances que les matériaux engagent vers le fantastique !
    Merci encore Xavier d’avoir partagé le lien Umap lors de la dernière séance (ou bien était-ce Sébastien suite à ton partage?), j’adore ces cartes interactives et sensibles d’un lieu, avec la possibilité de sonoriser ou filmer.