#été2023 #02 | et la vue sur le parc

Entre le théâtre Montansier et la brasserie éponyme, la porte cochère de l’immeuble, peinture bleue marquée de tous les passages, une poignée ronde et dorée plus large que la main pour pousser le battant droit et pénétrer dans le hall. Au fond l’accès à une cour pavée devant les cuisines de la brasserie encore silencieuse au petit matin. A droite un escalier de bois à rambarde cirée recouvert d’un chemin de velours rouge, un petit côté soigné renforcé par l’odeur d’encaustique. Cinq ou six étages mènent à un pallier sous les toits, ici une lucarne permet aux audacieux de se hisser sur le toit de zinc jusqu’à une étroite plateforme avec vue sur le bassin de Neptune. Quelques marches de bois brut, plus raides, toute cérémonie oubliée, conduisent au seuil d’un appartement sous les combles, catégorie glacé l’hiver et étouffant l’été, la porte d’entrée aux bords rongés se loge approximativement dans son encadrement sa serrure neuve semble presque déplacée. Un vestibule distribue les pièces, la cuisine aménagée dans la pente du toit oblige à baisser la tête, un vasistas apporte une lumière insuffisante et le bruit de la rue très passante, en contre-chant les gouttes régulières du robinet sur l’évier de métal. Face à la cuisine une chambre contient tout juste un matelas posé à même le sol, un lit aux oreillers accueillants et à la couette bien repassée. La dernière pièce est plus spacieuse à la fois salon, salle à manger et bureau, chaque recoin est utilisé dans un encombrement organisé, ordre mais fantaisie des meubles dépareillés qui s’assemblent pourtant harmonieusement, le parquet usé disparait sous les tapis colorés, des tentures aux murs, une ambiance lumineuse soulignée par le plafond clair. Un grand miroir reflète le dos d’une silhouette accoudée à la grande fenêtre ouverte qui offre une vue sur le parc, au bruit des pas elle se retourne tranquillement avec un sourire, la fumée de sa cigarette, la première de la journée, s’égare dans la pièce.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

Un commentaire à propos de “#été2023 #02 | et la vue sur le parc”

  1. Juste pour vous dire que j’admire beaucoup vos textes et celui-ci n’est pas une exception. Vous dites faire des gammes sans projet de partition, et pourtant…