#07 #Woodman | avant

C’est d’abord de dos et comme par effraction ; la porte est entrouverte, elle est assise nue dans ses dessous de scène, la bretelle transparente retombe sur l’épaule, la main gauche au bas du crâne relève la chevelure, dans la droite brille une épingle à cheveux : une épingle puis l’autre, le geste est sûr (il semble que la main tremble) ; du cendrier posé au bord de la tablette monte une exhalaison de benjoin et de rose : une bougie se consume. Un pas : le profil se dessine, la bouche murmure quelque chose, à peine audible les mots se poussent mécaniquement à « l’Italienne »; sous la chaise un pied déchaussé bat la mesure. Dans le miroir cerné d’ampoule c’est un autre visage et la frontalité stupéfie.
Mais déjà tu te lèves. Tu sembles si calme ; tu te lèves, tu sembles si froide longue dans ta peau nue comme au bord d’une falaise, morte. Ou somnambule. Tu disparais. Derrière la porte ton corps s’évide, c’est une purge violente (oui la mort). L’odeur de la mort. Tu reviens, ta pâleur est une lumière. Tu reviens (ton corps délié). Tu passes la robe, des mètres d’organza comme une armure.  
Elle passe le seuil je la suis. Elle dira plus tard ma bouche c’est comme du carton ou encore… elle dira…

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

9 commentaires à propos de “#07 #Woodman | avant”

  1.  » la bretelle transparente retombe sur l’épaule, la main gauche au bas du crâne relève la chevelure, dans la droite brille une épingle à cheveux  » quelques détails (très beaux) se laissent capter, puis elle se lève, disparait, revient… insaisissable… et c’est vraiment prenant, on aimerait en lire plus. Merci Nathalie

  2. cette fois elle est nue dans les dessous de scène, et puis bientôt dans la robe, organza bien sûr, au moment d’entrer en scène, « sa bouche comme du carton »… comment elle entre dans son rôle, ou alors c’est elle, vraiment elle ?
    te retrouver, chère Nat, avec ce texte et avec bonheur

  3. actrice? est-elle morte, vivante?. L’un puis l’autre? les deux ? Comme tu cultives bien l’ambiguïté dans ton jardin de mots

  4. C’est magnifique et terrible de percevoir de phrase en phrase la consistance et l’évanescence du corps et de la vie. Bravo !

  5. J’adore le travail sur les pronoms. C’est dense. On comprend d’où est venue à François Bon l’idée de travailler sur les odeurs.