#40 jours #02 | initiale(s)

il faudrait poser dans chacune des pièces un film et une chanson – augmentés d’un livre ou d’une citation (comme je m’aperçois qu’avait fait Grgs Prc avec des citations) (grand obsessionnel qui me fait penser à ce type qui rangeait les papiers qu’il jetait à la poubelle – je lui avais offert un livre titré Taxi qui aujourd’hui se confond avec le film de Jafar Panahi magnifique Taxi Téhéran) – faire la même chose dans d’autres compartiments (des billets, des blogs, des images et des gens) (des liens et des lieux communs – la rue de Charenton ou de Vaugirard, le Palais de la Femme ou de la Porte Dorée, Saint-Maur-des-Fossés, La Varennes-Saint-Hilaire et Saint-Leu-la-Forêt – l’inventaire des lieux où on a vécu – y glisser des souvenirs des mémoires des mensonges – des sentiments) (ou prendre le clavier à l’envers – six étages, dix-huit ou dix-neuf fenêtres) – mais non, tenons-nous en à la réalité des choses : avant hier, à l’Alchimiste, on parlait de cette avenue du Théâtre Romain de chaque côté de laquelle les spahis faisaient une haie au passage du tout nouvel Habib qui venait de déposer le Bey – « aoujah Bourguiba » chantaient-ils tous (son peuple, pas les spahis – les cavaliers du matin, puisque sbah vient de l’arabe signifiant matin) à son passage (« aoujah » est de la phonétique, ça doit vouloir dire « il est là Bourguiba » il arrive c’est lui, l’homme providentiel, le Commandant Suprême quelque chose de ce style) on frappait dans les mains, les doigts ouverts, plein d’espérances – probablement un vingt-cinq juillet – la photographie de E. et lui qui se serrent la main – la maison, elle, s’établit sur un terrain partagé pour l’y édifier d’un côté, de l’autre celle de la sœur de la mère de G., terrain acheté par le père de la mariée, se peut-il qu’il s’agisse de la dot ? ça se faisait, ça ne se fait plus par ici – encore que ce serait à regarder de plus près peut-être – et donc dans ces moment-là, ce trouble dans le passage des jours, une maison blanche, une villa dirait-on, d’un étage dont je ne sais plus le plan (je ne l’ai jamais su, je suppose), mais je sais qu’alors il n’y avait pas d’arbres, une grille en fer forgé peinte de bleu assez clair – il semble bien que le maçon en ait été Filipo mais je ne savais pas non plus – je sais qu’il chaulait la maison de temps à autre, que l’échelle posée contre le mur allait à la cuisine, y avait-il des volets bleus ? Elle se nommait J.2 et jouxtait donc celle d’une des sœurs de la mère de G. – plus bas sur l’avenue, en première ligne du rivage se tenait la villa du frère de la mère de G. – une affaire de famille – il se prénommait R. et avait donné ce titre à son entreprise

au rez-de-chaussée un garage ouvert sur trois côtés, une buanderie, au fond un mur au sommet duquel ont été fichés des tessons de bouteilles, sur la gauche du garage : même chose – des figuiers de barbarie sans doute, un scorpion assassiné d’un coup de marteau, des genoux éraflés – la grille marque l’entrée, bleue et forgée (le souvenir intègre à ce « forgé » le nom du propriétaire de la maison de A. qui était greffier ou huissier ou autre de ce tonneau et qui se nommait F. quelque chose) – pour rejoindre la plage, tourner à droite en sortant, deux cent cinquante mètres de déclivité légère, passer sous le pont, traverser la route qui descend – il n’y a personne – il n’y a pas de machine à laver le linge, mais il se peut qu’on y trouve une grosse marmite dans laquelle bouillonnera une eau savonneuse et des linges (un feu, une bouteille de gaz forcément)
le souvenir du garage est doublé de celui des autos – ce qui stationne là est un break américain ou anglais, dont les côtés sont ornés de tasseaux de bois clair – Vauxhall peut-être – ça ne se fait plus ou alors pour singer cette époque-là – plus une quatre chevaux de marque Renault beige ou verte – J. conduisait ainsi que peu de ces femmes d’alors dans ce pays-là (le souvenir des « pp » (mention obligée nécessaire légitime du « par procuration ») avant la signature qu’elle posait au bas des chèques, parfois, à A. – cette catégorie de la population (les femmes mariées s’entend) n’a disposé, ici, de ce droit, qu’en juillet 65 – toute une époque hein) – ensuite vint la Dauphine rouge où elle prenait le café, vers une heure et demie, avec sa mère, en plein soleil portes ouvertes et parlant arabe pour que les enfants ne comprennent pas
pas de doute possible sur l’existence de plusieurs fenêtres dont l’une donnerait sur le garage (officine où il travaillait, en bas de l’avenue, en ville, dite alors de France – un de ses amis ou subordonnés se nommait aussi Habib (qui veut dire heureux) – transformée en avenue Habib B. quand le Commandant (ou le Commandeur, ou le Cavalier, mais tous suprêmes) a tiré sa révérence (très diminué sénile alzheimer fou ou quelque chose – en tout cas assigné à résidence par le pouvoir dictatoro-militaire d’alors – ingrat certes et fourbe et corrompu si tu veux aller par là – vers un six avril deux mille)
cette année-là (soixante) vers cette époque-ci (avant la mi-juin) par la poste arrivèrent trois albums de Tintin, l‘Île Noire, Le Sceptre d’Ottokar et l’Oreille cassée en cadeau – ce souvenir se double d’un autre aux maux de ventre qui permettaient d’échapper à l’école l’après midi – il aurait tout aussi pu bien se faire qu’on entende à la radio un feuilleton du même acabit
quelque part il y a des lauriers, seraient-ils roses ou blancs, mais quelque part, là
au premier étage une veranda sur le perron de laquelle a été prise une photo de G. tenant ses deux filles en barboteuse, elles n’avaient sans doute que quelques mois (lesdites barboteuses, si tu veux mon avis (je peux me tromper car je n’y étais pas – encore), avaient été élaborées coupées cousues par l’une des sœurs de la mariée) – lui portait des lunettes épaisses d’écaille et souriait les regardant; un escalier, une fenêtre donne dans la pièce, salon salle-manger – de superficie assez importante (mais l’enfance aime à trouver les choses importantes, c’est aussi pour ça qu’on aime à y revenir- ou à l’oublier) – de la veranda plein-ciel orientée à l’est on entre par une porte fenêtre – sans doute une autre fenêtre sur la droite donne-t-elle aussi sur cette pièce, plus une autre sur le mur mitoyen qui regarde le sud et non loin la baie – la table de la salle à manger et les six chaises à l’assise de paille – quelque part les cadeaux de mariage verres de cristal et argenterie – dans la cuisine attenante, sur la droite, elle s’affaire – c’est une autre époque, elle et lui ont fait quatre enfants – des rumeurs de guerre atomique peuvent parvenir parfois – le tout se déroule sous un ciel toujours bleu ou peu nuageux, une température parfois suffocante et peu de pluie (durant quelques semaines, en février ou mars) – il doit bien y avoir deux ou trois chambres, elles ne peuvent que donner sur l’arrière et les côtés, mais aucun souvenir ne vient : une pour les parents, une pour les filles, une pour les garçons – le truc standard ? tout se double de la suivante, à A. les meubles, les lits, les fauteuils de la même eau que les chaises – il semble que la plupart des personnes composant ces deux familles-là (celle de J., mais aussi celle de G.) s’en soient allées vers le pays dont elles étaient (depuis décret probablement, ce serait à élucider) devenues citoyennes voilà un bon demi-siècle (probablement ensemble, car quelque chose d’autre les unissait : des relations de travail tissées entre les pères des deux époux, avant guerre) (au minimum) – une option pour la fouille plus ou moins généralisée des sacs à main des femmes présentes un de ces jours-là (image rapportée de la recherche dialoguée avec frère et/ou sœurs) lesquels sacs étaient posés sur le lit de la chambre des parents, mais ce sera presque tout, un toit plat

je la pose en bas quand même

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

7 commentaires à propos de “#40 jours #02 | initiale(s)”

  1. MERCI
    (parce que ça m’est venu avant que je sois juste dans la lecture, au début : la dot est en partie remplacée par des « espérances », un statut familial je pense)