#nouvelles | Jean-Luc Chovelon, nouvelles vagues

Table des chapitres
1 _ de l’art de ranger ses livres
2 _ histoire de mes librairies
3 _ inventaire de choses perdues
4 _ le livre dans sa matérialité
5 _ le livre souffrance

5 _ le livre souffrance

Une ombre avance dans l’impasse juchée de containers de poubelles regorgeant de trésors putrides. Sacs en plastique noirs empilés. Certains sont éventrés et vomissent leurs entrailles, des chats errants se délectent du festin. L’homme (en est-ce un ?) avance lentement dans la pénombre. Il trie de l’extrémité de son bâton les immondices délivrées et chasse les félins en bombance. Sous le manteau graisseux qu’il porte sur les épaules se cache un corps malingre et anguleux. Il a une peau diaphane tendue sur les os, ses côtes saillantes distendent la fragile enveloppe prête à se déchirer à la première entaille. Quelques veines zèbrent la surface maculée de crasse. Son œil est sombre, profondément noir, dénué de lueur. Sans étincelle. Son cœur bat discrètement sans faire de bruit. Comme sa respiration, imperceptible, qui capte dans le silence quelques bouffées d’air que sa bouche puante et ses dents noires rendent aussitôt avariées et rances. L’homme (en est-ce un ?) s’approche d’un carton posé sur le sol. Sur sa partie supérieure, des livres font surface. Bibliothèque éphémère livrée à l’abandon offerte aux mains chercheuses, aux âmes perdues, aux dénicheurs de trésors de déchets et, en dernier lieu, aux ramasseurs de poubelles.

L’homme (en est-ce un ?) se penche et regarde les couvertures en surface. Il se saisit d’un livre, l’examine de plus près, le repose par terre. Il en prend un autre, puis encore un autre. Sous la pile des ouvrages désormais gisants au sol apparaît un livre nu. Sans couverture. Il s’en saisit des deux mains, se redresse et examine avec attention la première page qui se présente à lui. Ce n’est même plus un livre, ce sont quelques feuilles noircies de fumée, brûlées dans les coins, dont le titre en police de lettres Fraktur, de ces caractères gothiques germanisants, laisse planer l’ombre du Troisième Reich de ses douceurs idéales. Le livre est le vestige d’un passé brûlé. Les flammes l’ont épargné. Dépouillé par le feu, sans plus de couverture, écorché laissant son squelette à vif. Son dos, sans plus de peau, laisse voir les fils de la reliure comme des os blancs soigneusement rangés derrière lesquels reste tapie la sale histoire. Ses pages ont été brunies par les flammes et par la pensée nauséabonde qu’elles contiennent. 
Dans une impasse mal éclairée au milieu des détritus, un homme (en est-ce un ?) tient les vestiges d’un livre (peut-on parler de livre ?).

Il était jeune. Il maniait les bottes de paille dans les champs avec sa fourche et avec toute la puissance de ses muscles. Son corps luisait de vigueur, son esprit respirait la domination, il était invincible. 
Il était au centre de la lumière. Dans la vitrine d’une librairie de Dresde, il jouait la vedette avec sa couverture en cuir vert et les liserés dorés d’une croix gammée qui étincelait. Dans ses pages, il annonçait un nouveau monde.
Et puis il y eut la guerre.
L’homme s’est perdu dans les tranchées, le livre a été enfoui sous les bombardements. L’homme a survécu aux horreurs mais était-il encore un homme ? Le livre a survécu aux explosions et aux incendies mais était-ce encore un livre ?

Sur la plus haute étagère d’une bibliothèque en bois de merisier, le livre a pris place pour exposer ses os blancs et ses cicatrices. Tel un crucifix exaltant la souffrance, il était une présence. Une façon douloureuse de rappeler que la beauté joue de l’équilibre avec le pire. Sur la plus basse branche de l’arbre de l’humanité, l’homme a fini par glisser et s’est échoué. L’esprit dévasté, le corps en charpie, aucune main suffisamment forte pour l’aider à se relever. 

Dans une impasse mal éclairée au milieu des détritus, un homme est debout et tient les vestiges d’un livre entre les mains. Il s’assoit sur un carton à moitié vide et sort une boite d’allumettes de la poche de son manteau. Il arrache la première page, la froisse, gratte une allumette et l’enflamme. Il arrache une autre page et nourrit le feu vacillant. Puis une autre et encore une autre. 
Dans une impasse mal éclairée au milieu des détritus, un homme (c’en est bien un) est assis et se réchauffe à la chaleur des flammes d’un livre en train de brûler.

4 _ le livre dans sa matérialité

je crois qu’il n’a jamais changé de place | je crois qu’il a été fabriqué en même temps que l’étagère | couverture en cuir vert et liserés dorés | je crois que l’objet de sa longue existence a été de servir de cale pour les autres livres afin d’éviter que la rangée ne s’écroule | livre poussière | livre au titre inconnu mais au format parfait sur l’étagère grand-paternelle | trop haute pour que l’enfant puisse s’y intéresser | trop anonyme | l’histoire qu’il raconte aurait pu changer ma vie

de sa forme rectangulaire les bords ont été rongés et noircis | les coins de la couverture se sont arrondis et laissent encore des traces noires quand on y pose dessus le doigt | survivant de la catastrophe portant les stigmates du drame | livre brûlé | un Shakespeare je me souviens en anglais | l’incendie avait ravagé la bibliothèque familiale | les flammes mais aussi l’eau des pompiers | l’eau des larmes | a midsummer night’s dream réduit à l’état de vestige

imprimé sur du papier parfumé | couverture en tissu rose rangé sur une étagère dans la chambre parentale | parmi d’autres livres que ma mère voulait garder près d’elle | il y en avait dix ou douze pas plus | petits objets délicats | couvertures aux couleurs claires | livre odeur | un recueil de poèmes pour les femmes | émancipation timide pour romantisme balbutiant | je ne me souviens plus les auteurs | quelques autrices peut-être | au-dessus du lit

ouvrir une porte sur l’imaginaire et découvrir ce qui se trouve derrière l’horizon | remplir ses yeux d’aventures | chauffer son sang dans l’exploration | apprendre qu’il existe des mondes merveilleux sous les mots | affronter les dangers vaincre la peur surmonter les périls | livre lumière | un Jules Verne | Michel Strogoff ou Capitaine Nemo | se coucher avec l’esprit éveillé | rêver d’un autre je | pour jouer au héros | bateaux de pirates créatures magiques envie de ne plus dormir

obligation scolaire | sur la liste des fournitures du début d’année entre les grands cahiers petits carreaux et le bic quatre couleurs | une femme en robe d’époque sur la couverture | visage triste qui annonce des heures de lecture dans l’ennui | livre imposé | Madame Bovary j’étais en quatrième | je crois | briser lentement la carapace | mettre des touches de couleurs sur l’histoire le passé le prof de français pas drôle | mettre un pied dans le monde de ces autres livres

sur la table de chevet | plus ancien souvenir gratté dans les tréfonds de ma mémoire | tranche verte bibliothèque verte | un cheval se cabre sur la couverture sous les yeux réjouis d’un enfant | je ne lisais que quelques pages tous les soirs | parfois une seule | livre goût de l’enfance | l’étalon noir se racontait en plusieurs volumes | je ne me souviens que de celui-là | pas de l’histoire | je me souviens de la sensation éprouvée quand je reposais le livre avant d’éteindre la lumière

rangées de livres impeccablement alignés sur les rayonnages de la bibliothèque en merisier construite sur mesure | pas un qui ne dépasse | défilé militaire des dos de cuir jaunes verts marron | les titres et les noms des auteurs en lettres dorées | livres décor | signes extérieurs de culture | afficher les grands écrivains | galerie d’objets morts | les histoires que ces livres renfermaient étaient condamnées à l’oubli | un jour j’en ai ouvert un | les pages étaient sans vie

j’avais l’âge pour m’évader à portée de mobylette | c’était les vacances | la ville la forêt de pins la retenue d’eau du barrage | fumer des clopes en écoutant Genesis | refaire le monde | je retrouvais chaque soir l’ordre familial | mets ta serviette pas les coudes sur la table | livre peur du vide | c’était un Frison-Roche | je m’enfermais dans ma chambre après le repas et je vivais la peur du vide | j’adorais | j’étais sur une falaise et ma vie ressemblait aux livres de Frison-Roche

j’en avais lu un | puis deux puis cinq puis dix | la lecture m’avait attrapé comme une proie | les mots les phrases m’avaient happé ils m’avaient piégé | je lisais à un rythme effréné presque enfiévré | j’enchainais les livres de cet auteur les uns après les autres | comme si ce n’était qu’un seul ouvrage | livres ogres | je ne me souviens plus comment j’avais découvert Paul Auster | son écriture était directement branchée sur mon cerveau de lecteur | j’avais arrêté par épuisement

je le manipule avec précaution | il est disposé avec d’autres imposants volumes tout en bas de la petite bibliothèque dans le salon | d’autres objets volumineux livres d’art beaux livres | plus à portée d’yeux qu’à portée de mains | le savoir là | le savoir près de moi | livre précieux | le catalogue de l’exposition Tolkien à la BNF fin 2019 | je le sors une ou deux fois par an | je regarde les dessins les cartes je lis quelques pages | je le laisse sur la table un ou deux jours | je le range

le garant du savoir | à l’heure d’internet plus un symbole qu’autre chose | je ne le consulte plus | ou alors pour m’amuser | ou par nostalgie | mais il doit être là | il doit | pas possible d’imaginer ma maison sans lui | je ne m’en sers plus mais il doit être là | livre référence | le dictionnaire | le Robert le Littré le Larousse | le dictionnaire illustré de la langue française d’Alain Rey aussi | il doit | si internet tombait en panne | si mon ordi explosait | si je mourrais sans le livre | si

livre mot | livre sommeil | livre goût dans la bouche | livre douleur | livre excuse | livre rêve | livre musique dans la tête | livre monde | livre ciel | livre fantôme | livre arbre | livre mort | livre des si | livre de qui j’aurais pu être | livre étrange | livre de l’étranger | livre danse | livre sucre | livre larmes | livre bleu | livre de tout ce qui a été oublié | livre de tout ce qu’on saura un jour | livre des « on » | livre des « tu » | livre animal | livre des non dits | livre des trop dits | livre silence | livre catastrophe | livre histoire | livre chaleur | livre glaçon | livre mammouth | livre rire | livre sourire | livre toujours | toujours

3 _ inventaire de choses perdues

  • les mains de Manuel
  • le bal à l’accordéon
  • l’album d’images
  • la maison des pins
  • la fusée sur la plage
  • le chapeau en feutre
  • la pâte de coings
  • le plongeon au barrage
  • le livre d’Azimov
  • le cimetière des faux éléphants
  • l’air d’opéra
  • la grotte de la mer de glace

Il descend du train de fer avec la lenteur que son corps vieillissant lui autorise. Les lourdes chaussures de cuir ciré enlacées de cordons rouges traversent la surface bétonnée trop rectiligne pour être honnête. La montagne n’aime pas l’horizontal et de plat, elle préfère les parois verticales de l’Aiguille du Midi, des Drus et des Grandes Jorasses ou, quand l’hiver le permet, les cascades de glace des Houches. Pas de place pour la dalle en béton du quai de la gare du Montenvers. Derrière ses lunettes de glacier aux verres ronds et aux attributs de cuir noir, bec de nez et oeillères latérales, ses yeux sont tapis derrière d’épaisses rides sculptées par les ans, le vent des vallées et le soleil des sommets. La peau brune et sèche de son visage dessine le paysage qui s’étale devant lui. Au bout du bâton en bois de châtaignier, la pointe métallique cliquète sur le ciment puis sur les pierres à l’entrée du sentier. Fixés sur son sac à dos en toile de coton beige, le soleil reflète les éclats du métal des crampons qu’il ne mettra pas aux pieds.
D’un pas mécanique et sûr, il longe le sentier qui descend dans la vallée. Sur sa gauche, il laisse la terrasse aux pantalons de flanelles et aux robes à fleurs, aux baskets blanches et aux sandales tressées, aux peaux claires et parfumées qui profitent des chaises en plastique, des tables rondes et des cocktails enivrants. Son ivresse, il va la chercher au fond de la vallée dans ce qu’il reste de glace et de glacier, au chevet des dépouilles humides du Tacul et du Leschaux. Dans ses souvenirs de jeunesse. 
Les asters mauves et les bleuets ont la vie belle le long du sentier qui descend dans le lit du glacier déserté. Des enfants en shorts courent devant leurs parents insouciants. Au premier virage en lacet, les derniers mélèzes marquent une frontière. Il y a un demi-siècle, la glace lui léchait les pieds. Il s’arrêtait là, s’asseyait sur le rocher plat au bord du chemin et enfilait ses crampons. Au deuxième lacet, il prenait tout droit sur la glace en prenant soin de bien planter les pointes. Il longeait un mur de glace jusqu’à l’entrée de la crevasse qui ressemblait à une grotte. Il passait sous la voute et découvrait les sculptures de tables, de fauteuils, dans la glace bleue et translucide. Il entrait dans un monde qui demandait à s’épanouir. Il avait vingt ans. 
Le rocher plat au bord du sentier est toujours là. Il s’assoit. Sur l’écran du vide s’offrant à lui, un vieux film en super 8 défile devant ses yeux. 
Il sourit devant l’inventaire de choses perdues.

2 _ histoire de mes librairies

La librairie de La Bulle Noire se situe en plein centre d’Aix-en-Provence, dans une rue sans grand intérêt si ce n’est plusieurs comptoirs de kebab. Rue de la Couronne, juste derrière la Rotonde. J’ai quinze ans, la bande dessinée est ma grande découverte, avec quelques groupes de musique, Genesis, Sex Pistols, CSN&Y dont je me fais prêter les 33 tours par des amis. Pour la BD, c’est une passion plus solitaire. J’y consacre l’essentiel de mon argent de poche. Je fréquente La Bulle Noire dès son ouverture, je deviens un habitué, un incontournable. Je deviens un pilier. Petit magasin au début, quelques bacs où sont rangés les albums debout de façon à faire défiler les couvertures, comme pour les disques vinyle. Très régulièrement, des rencontres dédicaces avec les auteurs, je suis un fan. J’ai dix-huit ans, la librairie s’agrandit. Deux échoppes qui se font face dans la rue de la Couronne. Je ne me souviens plus comment sont répartis les BD, je rentre toujours dans le même magasin. J’ai vingt-cinq ans, le magasin a déménagé un peu plus loin, place des Tanneurs. C’est plus grand c’est espacé, c’est aéré, c’est lumineux. Le propriétaire me reconnaît, il vient me parler comme on retrouve un ancien camarade.

Le cahier à spirales se trouve à Charlieu, au fond d’une large place, non loin du cours à double sens où se tient le marché le weekend. C’est un endroit spacieux, les livres mis en évidence sont judicieusement choisis. Si j’étais libraire, je ferais des choix similaires. Un de mes frères vit dans un petit village des environs, c’est la librairie la plus proche de chez lui. Je passe voir mon frère une fois par an, en général. Ou tous les deux ans. Je mets les pieds dans cette librairie une fois par an aussi. Ou tous les deux ans. La dernière fois que je m’y suis rendu, au moment de passer en caisse, le propriétaire a tenu à engager la conversation avec moi. Il était très aimable. Il me parlait des derniers ouvrages reçus, des événements organisés par la librairie, de sa vie de libraire. Je l’avais rencontré trois ou quatre fois, mais il semble bien me connaître. Je crois qu’il me confond avec quelqu’un d’autre. Quelqu’un d’important pour lui apparemment. Je me demande à qui je ressemble tant. Si c’est un écrivain, j’espère qu’il écrit des livres intéressants. 

Depuis trois ans, une librairie a ouvert à Aubagne, sur la rue de la République. Les Furtifs, sans doute en référence à Alain Damasio. Belle vitrine, personnel compétent mais petite. Trop petite. Rares sont les fois où je trouve l’ouvrage que je recherche, sauf si c’est une nouveauté. J’achète peu de nouveautés. Alors je commande. Je préfère leur commander et être livré ici, plutôt que de passer par Amazon ou un site du genre. J’ai un Mac, un compte Facebook mais je ne veux rien avoir à faire avec Amazon. Je cultive mes contradictions avec rigueur. J’ai quand même fait quelques découvertes dans cette librairie. De notre monde emporté, de Christian Astolfi, les dernières heures du chantier naval de La Seyne. Cette librairie est l’endroit des bonnes surprises locales.

Je cherchais désespérément le Livre du chevalier Zifar. J’avais écumé les points de vente d’occasion près de chez moi, j’avais insisté auprès de mon libraire, j’avais épluché les sites de vente d’occasion sur le net, j’avais même contacté l’éditeur. Plus disponible. Et puis le miracle. Sur placedeslibraires.fr, un exemplaire apparaît du jour au lendemain. Un fond de carton mis à jour. La librairie Lavocat dans le XVIe à Paris a exhumé un exemplaire. Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, je dois monter à Paris quelques jours plus tard. Avenue Mozart, jamais mis les pieds dans ce coin. Ça m’évoque juste quelques parties enfantines de Monopoly. Librairie classique, rien de plus rien de moins. J’entre, je fais le tour des tables quand même. Je lis le quatrième de couverture de Les naufragés du Wager, ça fit un moment qu’il me fait de l’œil celui-là. Mais je ne suis pas là pour ça. La libraire accueille ma demande d’un « Ah, c’est vous ! ». Ah, c’est moi. Je suis Ah. Ah l’a trouvé. Ah raconte l’histoire de sa quête, elle lui raconte celle de sa découverte inopinée. Ils rient. Ah s’en va avec son livre sous le bras.

J’ai rencontré Stephen King devant le Strand Bookstore à New York. Je descendais Broadway, il sortait de la librairie, on s’est retrouvé nez à nez. Je ne lui ai rien dit. Lui non plus. On s’est juste regardé dans les yeux. Si on se connaissait, on se serait salués mais on ne se connaît pas. Moi, je le connais mais ce n’est pas une raison pour le saluer. Si j’avais pu anticiper la rencontre, je lui aurais peut-être glissé un truc mais je n’ai pas eu la présence d’esprit. Nous nous sommes évités, j’ai fait quelques pas et je me suis retourné. Il avait continué son chemin et s’apprêtait à traverser la rue. J’aillais repartir quand j’ai vu d’autres visages familiers sur le seuil de la libraire. Il y avait là Toni Morrison, Jack Kerouac et John Dos Passos. J’ai commencé à douter de mon état quand j’ai réalisé que les auteurs étaient représentés sur des affiches à l’entrée de la librairie. Stephen King finissait de traverser la rue, il avait dû s’échapper de l’affiche. 

1 _ de l’art de ranger ses livres

auteurs classés dans romans du monde
Andreï Kourkov, Mathias Zschokke, Herman Hesse, Stefan Zweig, W.G. Sebald, David Safier, Berhnard Schlink, Heinrich Böll, Ferenc Karinthy, Franz Kakfka (x3), Branimir Sćepanović, Dusan Kovačević, Friedrich Dürrenmatt, Milan Kundera, Osman Necmi Gürmen.

titres au rayon des livres d’histoires
Une histoire populaire des États-Unis, Histoire du monde grec antique, La Méditterranée (x3), L’anarchie une histoire de révoltes, Histoire mondiale de la France, Arménie : 3000 ans d’histoire, Une histoire populaire de la France, La charrette de la Madeleine toute une histoire, Pour une histoire amérindienne de l’Amérique, Une histoire de la musique.

couleurs des tranches des livres de cuisine
jaune, banc, beige, bordeaux, rose, bleu, vert, jaune, multicolore, blanc, blanc, beige, multicolore, noir et blanc, bleu et blanc, blanc, blanc, bleu, blanc, vert, gris, blanc, jaune, rouge, blanc, bleu, beige, marron.

à portée de main dans les toilettes
10 000 brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio (trois volumes), cinq volumes de la collection « pour les nuls » : la culture générale, la philosophie, la mythologie, l’histoire de l’art, l’histoire de France, Mamika de Sacha Goldberger, Citations pour méditer aux toilettes, Je découvre la philosophie aux toilettes.

à portée de main lorsque j’écris
Le livre des questions d’Edmond Jabès, Écrits poétiques de Christophe Tarkos, Féérie générale d’Emmanuelle Pireyre, La très bouleversante confession de l’homme qui a abattu le plus grand fils de pute que la terre ait porté d’Emmanuel Adely, L’abominable tisonnier de John McTaggart Ellis McTaggart de Jacques Roubaud, Le parti pris des choses de Francis Ponge, Le savon de Francis Ponge, La rage de l’expression de Francis Ponge, Passage d’Henri Michaux, Plume d’Henri Michaux, B-17G de Pierre Bergounioux.

villes, régions et pays des guides de voyages
Québec, Québec, Montréal, Québec, Québec, Montréal, Vancouver, Toronto, Montréal et Québec, Parcs de l’ouest américain, Boston, États-Unis et Canada, New York, New York, Brésil, Cuba, Cuba, Cuba, Madagascar, Maurice, Égypte, Chine, Chine, Hong Kong, Hong Kong, Thaïlande, Asie du sud-est, Syrie et Liban, Australie.

éditeurs de poésies
Le club français du livre, Gallimard, Un bureau sur l’Atlantique, Fata Morgana, Librio, Éditions du sous-sol, P.O.L., Éditions Corti, J’ai Lu, La Grande Batelière, Picquier poche, Phébus libretto, Libros del Cuidadano, Folio, Poésie/Gallilard (x13), Mille et une nuits, Poésie Points, Nota Bene, Le livre de poche, Le petite vermillon, Points, P.O.L., Garnier-Flammarion (x2), Nelson.

métrages
8 mètres linéaires de bandes-dessinées
89 centimètres de livres de cuisine
15 mètres de romans
60 centimètres de livres de médecine
38 centimètres de livres sur les abeilles
10 centimètres de livres de Claude Ponti
19 centimètres de livres édités par La Pléiade

endroits dans ma maison
dans une petite pièce qui sert aussi de dressing – dans le bureau  – dans la chambre d’ami – sous l’escalier, des caisses en bois posées sur la tranche et empilées – dans la cuisine, une étagère en osier – dans les toilettes, à portée de mains dans un renfoncement – dans le couloir – dans la chambre de mon fils – dans la chambre de ma fille – dans le garage, dans des caisses en métal et des cartons.

histoire
Je suis arrivé lorsque les pompiers attaquaient le volet de la fenêtre à coups de hache. Une lourde fumée grise sortait des jointures de la fenêtre et par-dessous la porte. Elle envahissait les rues du village comme si un esprit malfaisant se répandait en rampant. Devant la maison, un imposant camion rouge clignotait de son puissant gyrophare. Plusieurs pompiers maniaient le tuyau dévidé soigneusement rangé sur le bitume en lignes allers-retours d’une dizaine de mètres. Derrière un cordon de sécurité, les badauds assistaient au spectacle. Au premier rang, le vieil homme se tenait la tête et regardait le pompier démolir la fenêtre du rez-de-chaussée. Il regardait à travers ses doigts comme s’il hésitait. Comme s’il ne voulait pas voir mais qu’une force l’obligeait. Je connaissais Paulo, sa passion pour les livres, sa bibliothèque. Lorsque la fenêtre a cédé et que les vitres ont volé en éclat, une immense flamme s’est échappée de l’ouverture alimentée par l’appel d’air. Le puissant jet d’eau propulsé par la lance a engagé la lutte avec le feu. Puis les flammes ont lentement faibli, puis les flammes ont disparu. Et la fumée blanche et la boue de cendres. Paulo pleurait tous ses livres perdus. Je le tenais par l’épaule et je pleurais avec lui.

construire
Les tasseaux de bois blanc de 50x30mm sont fixés entre eux par des tiges filetées de 8x110mm. Celles-ci sont maintenues de chaque côté par des boulons à tête diamant pour le devant et ordinaires côté mur. Ne pas oublier les rondelles contre le bois. Chaque montant vertical est maintenu par deux équerres coudées sur tranche de 40x40mm (et leurs vis), une pour le sol et une pour le mur. Pour fixer les morceaux de tasseau de 13cm aux montant verticaux, il faut des pointes de 2,7x60mm, deux par montant. Pour poncer, du papier abrasif 0,00. De la peinture ou du vernis selon vos goûts.

J’ai trouvé les indications pour construire cette bibliothèque dans un petit livre intitulé « 150 trucs pour bricoleurs nuls » offert gracieusement par une marque d’essence parce que j’avais dû faire un plein dans une station de la marque pour ma 2CV il y a une trentaine d’années. Son sytème d’assemblage est d’une grande simplicité, les livres ne sont pas disposés sur des planches mais ils reposent à cheval sur des tasseaux. Pour les mesures c’est simple, largeur et hauteur à votre convenance (pas facile de trouver des tasseaux de plus de 2 mètres mais pas impossible), hauteur des rayonnages en fonction de la taille de vos livres (bédés en bas et livres de poche en haut, par exemple). Une fois qu’on a saisi le principe, c’est vraiment simple. 

l’application ClassBook sur mon portable
3076 ouvrages enregistrés
668205 pages
40 livres de Julio Ribera (dessinateur de la série de bande-dessinée Le vagabond des limbes)
952 bandes-dessinées (31%)
422 classés en littérature du monde (hors France)
400 classés en littérature française
175 livres de rugby (tous dans une grande malle métallique dans le garage)
4 livres prêtés

endroits improbables
dans une boite à sardines – dans une chambre froide – suspendue au bout d’une canne à pêche – sur une corde à linge – sous une douche/cascade – sur une échelle de corde – dans une fosse septique – dans un four – sur Jupiter – dans la nacelle/posée au sommet d’une montgolfière – dans un nid d’hirondelles – sur un nuage – au milieu d’un péage d’autoroute – sur un petit pont de bois vermoulu – au fond d’une piscine/d’un port/d’un lavabo/d’une rivière – sur un pont en lianes dans la jungle – en équilibre sur une rampe d’escalier – au coeur d’un réacteur de fusée – dans un sauna – sur une table d’opération – sous un tapis – au milieu d’un toboggan – suspendue à un trapèze

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

10 commentaires à propos de “#nouvelles | Jean-Luc Chovelon, nouvelles vagues”

  1. #1 beaucoup aimé l’introduction des schémas de montage de bibliothèque insérés dans tes chapitres, tout bien rangé quand même dis donc, dans ton téléphone, et dans ta tête aussi !
    merci JLuc

  2. Le jeu de piste des lectures m’a conduite vers toi grâce à Nolwenn. J’ai adoré les entrées du 1 (pas encore lu le 2). Grand plaisir à te lire, sourire aux lèvres. C’est drôle, fantaisiste, un texte proposition à l’intérieur même de la proposition, en écho à Perec avec des entrées savoureuses (notamment « métrages », « construire » et « endroits improbables »). Et puis, ça donne des idées de lecture. Merci Jean-Luc !

  3. J’aime beaucoup le passage final à la fiction : la rencontre avec Stephen King (lue, me semble-t-il, déjà une précédente mouture), et le vieux film en super 8. Quant à la pâte de coings, son simple nom nous met l’eau à la bouche. On voudrait bien la suite.

  4. Le livre cale. Le Songe brûlé inondé. Les Livres à fragrances ( incroyable! Inquiétant) . Bovary je le vois parfaitement ( souvenir vague d’un portrait d’Ingres)… et tous les « dévorés » pour s’abstraire et ceux gardés pour rassurer . Merci Jean Luc

  5. Oh ! Bravo. Sur « ranger ses livres », je découvre des titres aussi rocambolesques qu’interessants… Hâte de continuer la lecture des trois autres ateliers.
    Juste une coquille relevée : « Je suis arrivé lorsque les pompiers attaquaient la volet de la fenêtre à coups de hache. »

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