#40jours #09 | passants

Cité de la rue Piat. La moitié du trottoir. Côté gauche de la rue. Barre-tour. En montant. La rue Piat. Rue du belvédère de Belleville. Ancien terrain vague. Transformé en parc. Toute une population. Habite là. Somptueuse vue sur Paris. Énorme cité HLM. Des locataires. Des familles. Des lascars. Peu d’artistes. Des cafards. La nuit. Des rats. Petit matin. Des coups de feu. De temps à autre. Un couple. Poussette. Habitent le bâtiment des handicapés. Mais ne le sont pas. Mixité. Tous deux dans la trentaine. Maçon. Secrétaire médicale. Trimballent. Légère dissonance. Avec le lieu. Visible. Gêne souterraine. Dans leur tête. La façon qu’ils ont de marcher. De regarder. Droit devant. Être chez soi. Ne pas y être. Ont décroché. Un super appart. Trois-pièces. Cinquième étage. Vue sur Paris. Tout pour être heureux. Mais. Mais. Légère dissonance. Johnny. Gamin. Vite poussé. Effronté. S’appelle Ali. Grande gueule. Quinze. Seize ans. Emmerdeur. Professionnel. Passe sa vie. Pas de la cité. De la rue des Envierges. Voisine. Un vieil immeuble. Menaçant ruine. Sa famille. Nombreuse. Toujours dans la bande de dealers. Faire le malin. Se faire reconnaître. À tout prix. Simule. Façons de se battre. Prises. Combat de rue. Apostrophe les passants. Parfois seul. Chemin du métro. Pyrénées. Le plus souvent. Avec la bande. Zoner. Tenir les murs. La rue est à nous. Un autre. Petit. Barbu. Beau gosse. Cheveux longs. Les épaules larges. Râblé. Surnommé. Le Rasta. Sans dreads. L’Alain Delon du paléolithique. Une femme. Blonde. Polonaise. Danuta. Trois filles. Mari ingénieur. En Pologne. Bosse chez Coca-Cola. Ouvrier. En banlieue. Ne veut pas. Parler français. Danuta. Généreuse. Ménages. Habitent un trois-pièces. Dans la cité. À quelques numéros près. Du couple. Elle garde leur bébé. Fin d’après-midi. Attendre le retour. Du travail. Les gardiens. Traînent. Leur crasse. Des caves aux étages. Aux garages. Tirent les poubelles. Innombrables. Monsieur et madame. Gardent les colis. Rez-de-chaussée. La plus haute tour. Barre irrégulière. Différents niveaux. Répandent de la mort-aux-rats. Arrosent le trottoir. Très large. Engueulent. Les enfants. Rassemblent. Tas d’ordures. Encombrants. Un vieil arabe. Un deux-pièces. Quatrième étage. Sur cour. Un caniche. Blanc. Sort. Matin. Soir. Au parc. Descend aussi la rue. Tabac. Loto. Joue du luth. Prendre le métro. Son étui. Son petit chien. Direction Châtelet. Descendre à Rambuteau. Jouer. Les gens. Le passage. Esplanade. Beaubourg. Des grappes. Anciens autonomes. Sur le retour. Remontent la rue. Rient. Parlent. Fort. Aller chez Monique. Vieux troquet. Rue des Envierges. Pastis. Vin blanc. Côte-du-rhône. Bière. Refaire le monde. Et ses parcours fléchés. Parfois Topor vient boire un coup. On y croise aussi les Garçons Bouchers. Alain Bashung. Passe devant la cité. Rentre. Seul. Derrière ses lunettes noires. Nonchalant. Une maison neuve. Plus haut. Rue Piat. Face à Paris. Pied-à-terre.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

8 commentaires à propos de “#40jours #09 | passants”

  1. Superbe rythme, quel foisonnement ! Les phrases très courtes mettent le lecteur en état d’alerte et disent beaucoup sur la richesse et les aspérités de la mixité. C’est un très beau texte, Fil !
    (et tout près de chez moi, métro Pyrénées).

    • Un très grand merci à toi, Muriel la Bellevilloise !
      Mes passants remontent à loin maintenant, mais ils sont encore présents.

  2. Très chouette texte, ca pulse, c’est engagé, j’y suis avec vous meme si depuis longtemps déjà Paris n’est plus ma patrie.

    Le noir en fond est très perturbant pour la/ma lecture. J’ai eu du mal à finir.

    • Bonsoir J Hendrycks
      Merci pour votre message, qui me fait bien plaisir !
      Pour le fond foncé, je suis vraiment désolé.
      Si la lecture est douloureuse pour vous, elle peut l’être pour d’autres.
      Je vais changer.

  3. Merci Danielle !
    Ravi de vous avoir fait voyager… et je vais tenter de continuer.
    Encore une fois un grand merci !