#40jours #12 | urba dolorosa

J’erre dans la ville – je viens d’apprendre une mauvaise nouvelle. J’erre dans la ville, je viens d’apprendre une mauvaise nouvelle. J’erre dans la ville, je viens d’apprendre une. J’erre dans la ville, je viens d’apprendre. J’erre dans la ville, je viens –. J’erre dans la ville, je viens. J’erre dans la ville,  – Je. Les épaules frôlent les murs, la douleur a mangé tout l’inférieur du corps, je ne sais plus combien d’heures, contournant mon corps et les quartiers du bruit, la cadence à ville, choisissant plutôt les gros boulevards anonymes, les zones, avec les doigts incurvés, le bord de l’index, frôlant les granulés des murs, la caresse à granules, à espoirs, ne cessant d’espérer comme on égratigne la peau pour espacer à l’intérieur une douleur première, le flot des vasques sur le trottoir, errant dans la ville aussi, un chat compagnon de lenteur, palanquin des larmes sur un bord de portail, tu erres dans la ville, où rien n’est élevé, plus rien, ou alors (élevé de biais de loin, des immeubles qui ne concernent personne, qui ne parlent pas, ne parleront jamais, écrasant sur toi leur vue écrasante), rien n’est suspendu excepté le pas agile et suspendu des grues – leur insecte vibreur, et la rue blanche de maçonnerie sous la barque qui glisse en toi, c’est normal d’y penser quand la ville est vide, même les lumières des lampadaires, leurs œufs malades et pourrissants, mais le battement des eaux sur la rivière, à la nuit tombée ouvre ses portes de cafés, entonne un feu soyeux de bleus de feux de roses sous le comptoir c’est agréable d’oublier, de jour en jour, tu erres dans la mauvaise nouvelle, allant gratter à tes pieds, tapoter la veine du cou, a fait des nœuds, s’est prise dans les fils des cheveux, et les fenêtres basses sont soulevées de fatigues, le front plein phare n’éclaire plus, à la fin tu es las en dedans de la ville, profonde et progressive, cœur de Sisyphe en éventail, à tendre un visage au ciel quand on n’a plus le choix, la ville meilleure pour cela, ses territoires de larmes, Belleville est une montagne à mordre, à déminer noire, le teint jauni de chaleur intenable, il y en a qui se défendent et qui cognent, qui gueulent jusqu’au soir, mais c’est vers la gorge des Halles, bien aussi la Concorde pour l’horreur des boulevards qui font jamais office de mer, mais l’insolence toute seule, une désillusion d’av’nue Marie’toinette, mon cœur décapité sur un rebord de Seine, plus isolante encore la place des familles, les p’tits marchés courants, cageots coagulants, criaillent de vigueur qui frondent avec ta chair, viens ma garce du nord, monte les escaliers, Ménilmontant ça crève, viens donc traîner tes guêtres à Barbès la déveine, rigole aux jupes sales, tu y feras des dreads et puis de belles roulades, pour y planter dans l’âme un casque accordéon, faut bien marrer la ville pour jeter travers jambes le chant de la couleur, tous les enfants ont les dents bleues, errant errant dans ta mauvaise nouvelle, tu finiras comme eux par apprendre, à force d’errer à l’attendre en ta ville.

A propos de Françoise Breton

aime enseigner, des lettres et du théâtre, en Seine-Saint-Denis, puis en Essonne, au Cada de Savigny, des errances au piano, si peu de temps pour écrire. Alors les trajets en RER (D, B, C...), l'atelier de François Bon, les rencontres, les revues, ont permis l'émergence de quelques recueils, nouvelles, poèmes. D'abord "Afghanes et autres récits", puis en revues "Le ventre et l'oreille", "Traversées", "Cabaret", "La Femelle du Requin"... Mais avant tout, vive le collectif ! Création avec mes anciens élèves d'Aulnay-Sous-Bois de la revue numérique Les Villes en Voix, qui accueille tous les textes reçus, photos, toiles...

4 commentaires à propos de “#40jours #12 | urba dolorosa”

  1. Magnifique travail d’écriture, Françoise !
    Paris en ressort complètement disjointe.
    La douleur emporte tout.
    Merci de nous faire partager ça.

  2. Ouahhh ! C’est viscéral. Ca prend aux tripes. La douleur colle à l’âme au corps à la ville aux mots à la syntaxe. Admirative !