#40jours #02 | morceaux de vie

Au premier étage, une lampe s’est allumée, la lumière jaune inonde les fenêtres d’un salon. Il est au-dessus de l’évier, casquette sur la tête et la salopette bleue tâchée de cambouie, il se lave les mains. Elle se serre contre son dos, entoure joyeusement ses bras autour de ses épaules. Il se retourne et l’embrasse, il quitte la pièce alors qu’elle ouvre les placards de la cuisine.

Elle porte un nouveau-né dans ses bras. Il est lové tout contre elle. Elle le dépose dans son lit avec mille précautions, s’assoit sur une chaise à côté, une main dans le berceau. Pâle, les traits tirés, les yeux hagards, sa bouche marmonne une chanson, sa tête scandant en rythme. Elle éteint la lumière. Mais elle reste là, continuant le mouvement de balancier jusqu’à que l’enfant s’endorme.

A travers deux grandes fenêtres rectangulaires, apparait une femme dans la cuisine avec ses deux fils adultes. L’un en train de mettre les couverts sur la table, pendant que l’autre lui fait face. Elle coupe des oignons, elle pleure, elle rit. Il parle, elle l’écoute. Elle ouvre la porte du réfrigérateur, elle ferme le four, elle fait bouillir une casserole d’eau sur le feu. Ils s’assoient à table quand la casserole est posée au centre.

Elle range dans papiers dans son secrétaire, elle fait des piles de feuilles et d’enveloppes puis en jette certaines au feu. Elle déplace une pile de livres du bureau jusqu’au salon. Elle s’installe dans un fauteuil et allume une cigarette. Elle rejette ses cheveux en arrière, met ses lunettes sur son nez, le cendrier sur l’accoudoir, un crayon à papier mordillé dans la main. La nuit a recouvert les toits, tout se tait, c’est le moment qu’elle préfère.

Il est allongé sur un lit de fer individuel. Son corps maigre est à peine visible sur le lit, les draps beiges, la couverture bleue. Des photos de famille sont scotchées aux murs : un groupe de personnes se tenant par les épaules et souriant à la caméra devant un fond vert et ensoleillé, une femme avec un enfant dans les bras, un vieil homme en fauteuil roulant. Il regarde le son télé[hone, son autre bras touchant le sol carrelé, la lumière bleue éclaire son visage.

Elles sont deux sur le petit balcon. L’une accroche des vêtements mouillés sur un fil en hauteur pour les faire sécher. L’autre étend le petit linge sur un étendoir de plastique blanc. Les pinces à linges sont en plastique coloré. La musique sort de l’appartement par la fenêtre ouverte. Le fil pèse de plus en plus au fur et à mesure que le linge y est suspendu. Les jambes des pantalons touchent presque le sol, les rires fusent.

Elle est assise sur un fauteuil rouge, un short pyjama, des chaussettes blanches et les cheveux retenus au-dessus de sa tête par un élastique. Elle tient un ordinateur sur les genoux, ses phalanges tapent le clavier continuellement, les jambes croisées, les bras sur l’accoudoir. Son regard fixe sur l’écran, les lèvres faisant une moue concentrée, le pied dansant.   

Les murs sont tapissés de posters. Elle est assise au piano, promène ses doigts sur le clavier, elle ne joue pas une chanson, mais presse une touche de temps en temps, elle rêve. Son téléphone sonne, elle se dresse et fouille fébrillement dans son sac. En voyant le nom affiché sur l’écran, elle le repose sur la cheminée.

Il fume à la fenêtre pendant qu’elle regarde son emission de télévision. Le son est poussé au maximum, les rires de la série arrivent jusqu’à dehors. Il recrache la fumée jusqu’à éteindre sa cigarette. Elle gueule sur le chat, commente le programme. Il ferme la fenêtre dans un soupir, il y retourne.

A propos de Irène Garmendia

Lectrice par amour des mots et des histoires. Voyageuse immobile, perdue entre plusieurs langues, a récemment découvert le jeu d'écrire.