#40jours #prologue | gros plans

Prologue Ville

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Gros plan. Elle adore les gros plans. En balade dans une ville, elle photographie la petite étiquette qui dit encore ‘gaz à tous les étages’ ou bien le timide dessin d’une fleurette innocente posée sur un mur gris. Et elle en a des milliers comme ça : un heurtoir sur fond de porte rouge sang, une petite cloche en cuivre avec son battant, qui devait servir de sonnette à cette maison à l’air abandonnée, un groupe de trois pavés entre lesquels se montre une violette, le nom de la station de métro Plaisance comme extrait du plan général, la frise de mosaïque Art Déco sur une façade sans doute intéressante (mais c’est pas ça qu’elle a vu!), l’arche d’un pont de pierre – celle qui semble prête à s’effondrer -, un numéro d’immeuble…

C’est le 10 d’une rue au nom étrange, celle où elle a passé toute son enfance :

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10 de la rue. Elle a levé les yeux. C’était au sixième. Il y a encore la fenêtre dont le seuil était assez large pour qu’on grimpe dessus. Et puis cette autre, sans encoignure , avec une balustrade, parce que, tout de même, c’est haut, six étages. C’étaient les deux seules fenêtres de l’appartement. Pour le reste, des vasistas qui s’ouvraient dans le toit. Sixième et dernier étage, pas d’ascenseur à l’époque. En ont-ils mis un maintenant ? Elle aimerait bien aller voir, mais il y a un digicode à la porte :

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C’est un immeuble classique. Beaucoup de briques, peu de pierre. Aucun ornement. Immeuble fonctionnel, juste pour habiter. Rue plutôt étriquée, mais il y avait encore à l’époque des traces de ce qui lui semblait survivances : un marchand de charbon ( le ‘bougnat’) qui livrait sa marchandise avec une carriole à cheval , un magasin où on vendait le lait au litre, avec une mesure en métal à verser dans un pot comme à la campagne, le passage régulier du vitrier ou du marchand de peaux de lapin, et leurs cris annonçant leur présence

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La rue fait en réalité le lien entre deux artères plus importantes, une qui s’appelle même avenue, l’autre encore rue mais large, avec les platanes, et l’école communale un peu plus loin

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Plus tard, on prend le bus au bout de l’avenue, pour aller au lycée, on s’éloigne. Bus ou métro, horaires encore parfois vérifiés par une mère aux aguets, puis moins souvent respectés, mensonges véniels comme ouverture vers plus grand, plus loin, plus libre.

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