#40jours #19 | est-ce qu’on peut ?

Hugues de Wurstemberger

Dans la salle les visages marqués les visages ridés, ça chuchote elle est si jeune, le corps bouge la salle d’attente pleine d’attente pleine de maladie qui ne veulent plus se lire les malades espèrent, les cheveux ras les yeux dilatés.

Le jeu des chaises musicales rendez-vous anesthésie et puis l’interne et l’infirmière (c’est toujours des femmes) finir chirurgiens professeurs (heureusement là aussi des femmes) le rez-de-chaussée bas pour les seins et l’œil, pour le foie le rez-de-chaussée haut, pour la génétique il faut traverser la rue. L’avantage au bas, on ne croise pas d’enfant très peu pour les yeux et pas pour les seins. Les enfants me privent d’air, leurs crânes chauves creusent ma poitrine.
Il y a plus jeune que moi hors salle d’attente, lorsque je croise un enfant je me dis c’est mieux moi qu’elles, faut trouver des points qui.

Le mail qui dit ne venez pas accompagné n’a pas reçu d’écho. Ça râle, ça soupire l’attente longue. J’ai prévu mon après-midi je n’ai pas pris de train en fin de journée, ne pas ajouter de stress sur le stress les couches de stress font boule de stress prête à exploser et je ne veux pas exploser.

Je me souviens d’une autre salle d’attente il y a quelques semaines avec ma fille, fragilisée par le diagnostic, je refusais les urgences je voulais la maison médicale de garde à côté des urgences mais pas les urgences question de réflexe question de survie fuir un peu l’hôpital pour croire à mieux. Elle dans le porte-bébé lovée cœur et des familles entières pour qui c’est la sortie du samedi soir, ça fume juste devant ça court ça musique. Etes-vous malade ? Je négocie je suis arrivée trop tard on me redirige aux urgences je négocie avec la secrétaire pas commode je négocie avec le médecin qui dit oui reste attendre. Les enfants courts on ne les diraient pas malades mais les enfants ont des ressources insoupçonnées. Ma fille reste cœur à cœur peau à peau. Il y a quelques jours elle me dit j’aimerais encore avoir mal à l’oreille pour rester avec toi longtemps comme ça. Le médecin dit pour une otite ne vous sentez pas mal d’aller aux urgences pédiatriques si vous saviez la bobologie des nuits.

Retour là pour moi longue attente consultation, salle de réveil, chambre, des salles toujours froides, si froid les espaces qui accueillent, depuis j’ai pratiqué pleins de salle froides, alors maintenant entre je cherche le chaud.

Rez-de-chaussée bas lumière artificielle bondée des gens debout des gens assis des gens font la queue des gens entrent puis sortent, se rassoient, attendent encore.

Des papiers disent laissez une place entre pour covid. Trop de monde les papiers reçoivent fessiers.

Et puis ça fume je sens l’odeur envahir la salle, je ne comprends pas qu’ici particulièrement on ne se dise pas tien je vais respecter l’autre, ne pas risquer. Soi ou l’autre.

Le médecin prévient pourtant à l’avance, ça interroge mais il prévient, ça peut durer l’après-midi, prévoyez, pourtant ça râle parce que les trains vont louper les hommes dedans.

J’ai une liste de questions je la déroule je les sens pressés mais je veux tout entendre comprendre. Je veux être sûr, je veux savoir pourtant savoir me vulnérable. Je ressors avec des oublis avec de nouvelles informations que je m’en reviens avaler, mâchouiller pas encore recracher, pas encore. Est-ce qu’on peut ?