#40jours#28 | lire écorce

Ancien Three par Beth Moon
http://www.slate.fr/grand-format/arbres-beth-moon

L’arbre dit ne me coupez pas enlacez moi de vos grands bras élastiques vous devriez lécher ma sève toujours m’en laisser ne pas tout prendre tronc mort abandon. Vous devriez comprendre que le dessèchement définitif s’étendra jusqu’à vos âmes. Devenir un arbre se fondre cicatrice debout encore. Si les pieds aux racines mêlés plus vif la course du temps. N’ayez pas peur des ombres, je suis un compagnon du soleil.

Je lis les arbres. J’assèche racines. J’achète des livres, plus que je n’en lis, j’en lis aussi en numérique, j’aime le papier mais le numérique est pratique pour la fiction. La poésie en papier toujours pour annoter, marquer, relire, manipuler.
J’achète beaucoup de livres, je consomme beaucoup d’arbre, un de mes postes de dépenses les plus importants. Comme certains dépensent dans les sacs ou les chaussures, j’ai besoin de m’ensevelir de mots, pour le silence derrière. M’entourer de beau, de puissant, de fort, savoir que c’est à portée.

Depuis que je sais, j’ai peur de ne pas avoir le temps de lire ce que j’achète. Si peur que j’achète encore plus. Peut-on conjurer ?

Je remplis mes filles depuis leur naissance d’albums, de doux, de drôle, je passe par les livres pour expliquer, faire tendre plus que mon corps peu. J’ai peur de ne pas avoir le temps de tous les messages alors j’accumule pour plus grandes, si le livre disparaissait, si moi je disparaissais. Je n’y compte pas mais sait-on jamais tout.

Parfois je me dis que trop de papier, trop d’eau, trop de tout dans nos vies. Plus frugale j’aimerais mais doit on éradiquer tout confort pour être éthique ? Est-ce suffisant ce que je fais au quotidien pour contrer réchauffement? Quand je sens poindre la critique envers l’autre je ramène à mes priorités, mes livres aussi avalent la vie, remplissent de chaleur le monde.

J’apprends que des champs de chanvre réguleraient la déforestation. On s’accroche là. Il parait que cela permettrait.
Reste encore du labour intensif. Remplacer l’un par l’autre parce que plus rapide pour ne pas perdre privilège est-ce vraiment souhaitable de toujours trouver de nouvelles dispositions pour ne rien perdre de l’élan actuel ?
Est-ce seulement une mauvaise réputation que le sacrifice de forêt ? Le livre a besoin de papier qui a besoin de fibre de cellulose, les fibres de bois sont les meilleures mais la bifurcation possible. Il semble. Le coton ? L’herbe ? La laine ? Exploitons-nous un mouton, utilisons l’eau d’un continent ou plantons nous pour arracher ? Chaque solution à un coût environnemental mais pas que. On nous dit que. On nous dit plein et on croit ce qu’on souhaite. Le véritable indice est celui-ci. Je choisis de faire ce que je veux en faisant fi comme beaucoup pour ne pas perdre en confort. Est-ce que le confort fait les livres qui m’entourent ou les livres fabriquent-ils la survie ? Et si c’était un leurre de vouloir à portée toujours les mots calligraphie. Chercher les mots d’un clic d’un pas. Je sais, pourtant je ne fais pas autrement et plus grande la peur plus grande la pile autour du lit. Un barrage contre la peur ? Peut-être. Est-ce que mes peurs justifient la déforestation ? La question pleine répond peut-être d’elle-même. Est-on trop égoïste pour ne pas voire au-delà ? Et si les livres disparaissaient, que deviendrons- nous ? Le récit suffit-il ? Déculpabiliser, culpabiliser, je suis pleine d’injonctions, je suis gloubiboulga de contradictions.
Et vous ?

Un ex libris dépose son encre pour l’appartenance, dépose sa marque. Ne devrait-on pas plutôt appartenir à la langue ? Et si les arbres saignaient, est ce que l’encre s’envolerait sous pupille ? Est-ce que nos voix suffisent à rester droit ? Peut-on se réincarner écorce ?

6 commentaires à propos de “#40jours#28 | lire écorce”

  1. Beau texte qui se pose des questions sans toujours trouver de réponse… et c’est ça qui est beau !

    • Tellement vaste ce sujet et je ne prétend que moi infime passage. Il faut des mondes pour écrire le monde. Belle journée Fil

  2. Pour les nouveautés, je vais à la bibliothèque. Pour le reste, j’achète du seconde main. Plein de contradiction, mais on peut réfléchir à demain. la peur de manquer nous entraine vers le manque absolu de tout même de l’air pour respirer. Merci pour ce texte sincère et angoissant.

    • Bonjour Daniele, je lis la fiction essentiellement en numérique. Je n’achète que les petites maisons d’éditions, les essais la poésie et la jeunesse. Très peu de romans mais ca fait déjà beaucoup… Oui la peur envahie et paralyse parfois.

    • Merci Francoise, je vis un peu avec les livres il faut dire. Comme seconde peau. Ma devise jamais sans sinon je me sens seule et nue.