autobiographies #04 | car né-e-s-ez-ent-etc de lieux jaunes

Ce 13 novembre 2022, elle reconstitue, comme elle peut, ce qu’elle pense être un carnet d’adresse. Elle n’en a jamais eu besoin, où qu’elle ne soit jamais allée, elle n’a jamais eu besoin que de trois ou quatre adresses en même temps, et elle les reliait par des temps de trajet les plus courts possible. Pourquoi noter quoi que ce soit où que ce soit ? Peut-on noter un mouvement d’un point A à un point B ? Certes, cela reste réalisable. Mais à quoi cela servirait ? Ces mouvements, c’était pour perdre le moins de temps possible pour elle. A quoi cela servirait à qui que ce soit d’autre ? C’était tellement « sur mesure » que n’importe qui d’autre aurait trouvé ça « inutile », ou pire « inefficace ». Ces trajets ne s’adaptaient qu’à son corps, à son souffle, à ses besoins.

Le mimosa du jardin de mémé Alice. Ces petites boules jaunes, sur des branches, tellement nombreuses. Tellement qu’elle ne voyait plus qu’elles. Il n’y avait rien d’autre. La couleur, l’odeur, la douceur, elles emplissaient le présent et débordaient sur l’éternité vers le passé et le futur, le temps d’un instant. Le temps d’un instant, il n’y avait plus de temps ni d’espace.

La plage. Il y a une dune, sur l’île, qui mène à une plage en particulier. Je la vois ! quand j’y pense, je la vois ! mais je ne l’ai jamais retrouvé. Je n’ai pas d’adresse. J’ai même parcouru l’île à pied, à chaque fois que je voyais une dune, je la montais en attendant de retrouver la promesse jamais déçue de l’enfance, mais non. Jamais la bonne dune. Au bout de quelques jours de recherches, même mon père a essayé de m’aider à la retrouver. On a fait le tour de l’île en voiture, il m’en a montré 5 ou 6. Non. Aucune de celles-là. Je suis encore repartie bredouille. Je n’ai pas retrouvé la mer au bout de la dune. Un jour peut être.

N’importe quel bureau de poste français. Il suffit qu’il y ait un enseigne bleu et jaune, ce qui se fait de plus en plus rare, ou de plus en plus discret, financiarisation oblige. Il suffit que j’en aperçoive une, où que je sois, pour être mal à l’aise, pour me sentir ramené là d’où je ne suis pas censée avoir bougé, quels que soient les efforts, les cris, les convulsions d’un corps ou de l’autre. Pour me sentir montrée du doigt: « Tu croyais quoi? que tu allais pouvoir t’enfuir? dépêche toi, reviens là. Et ne bouge pas! ». Et ma tête se baisse, à chaque fois. C’est irrationnel, je sais. Mais c’est comme ça. N’importe quel bureau de poste. Même celui de Versailles, en face du château. Je me promenais, la tête en l’air, souriante, contente ! Puis je l’ai croisé du regard. Et paf ! le chien.

A propos de Alexia

Chercheuse par diplôme (Master 2, 2018) en littérature anglaise du 20ème siècle à Tours, indépendante car pas rattachée à une université pour l'heure, je fais des mousses au chocolat, des îles flottantes, du pain perdu caramel, des meringues, des crèmes brûlées...un jour, j'arriverais au niveau de la tarte au citron de Blanche!!! je l'aurais un jour!!! je l'aurais!!! En attendant, j'épluche aussi des pommes...