#photofictions #09 | Beauséjour

C’était tout au début du voyage : il y en avait un seul. La ville et ses environs étaient déjà quittés. C’était le début du lointain. Jamais il n’avait jamais pensé que l’on puisse rejoindre l’horizon. C’était une route, c’est-à-dire une ligne, bordée des à-plats du paysage. A l’entrée d’un village, c’est-à-dire d’un nom. C’était la campagne, loin de la mer et des lacs, le nom de bains accolé à celui du terroir détonnait. Cela s’opposait à la route. Ce mot jamais entendu hors de l’école : perpendiculaire. Il y avait eu de l’avenir, ici, il y a longtemps, de l’avenir en longueur, qui s’étendait, à travers une prairie, le mot pilotis affleure, droit dans l’herbe haute, grasse. C’était une longueur qui s’approchait de la forêt. Le nombre était grand, celui des fenêtres alignées, des volets de bois déroulés, abaissées ou relevés, le hasard, sans peinture, rongés. Il y avait eu l’autre monde, celui qui n’était connu que par les livres, depuis ce mot inconcevable, fête, jusqu’à celui de casino. Tout cela était une ruine forte. L’image était enfouie, elle revenait au voyage suivant. Il y avait un mystère. C’était le plus bel échec qui était donné à voir à l’enfant, quand tout autour de lui était tassé, retenu, un échec qui s’affichait à tous, écrasait le reste du village, sans savoir rien de son auteur, réduit à la misère, enfoui ou pendu. Il y avait toutes ces chambres, vides une à une, il faudrait les imaginer, chacune sans histoire écrite, peut-être plus nombreuses que celles où soi on a dormi. Savoir maintenant que la ruine est là encore, l’image a rappelé son double dans ma mémoire et elle me survivra. Le pire.

A propos de Tristan Mat

Tristan Mat vit. Ailleurs. Il écrit. A la main. Site http://www.tristanmat.net/ Profil Facebook: https://www.facebook.com/tristan.mat.735

4 commentaires à propos de “#photofictions #09 | Beauséjour”

  1. La géographie comme affaire de langage, de noms, de mots, d’adjectifs, un étalonnage en quelque sorte. Et la ruine en est un fort, prégnant, durable.
    Beaucoup de belles images, formules dans ce texte, j’aime beaucoup « L’image était enfouie, elle revenait au voyage suivant ». Entre autres.