« camera obscura »

combien de paires d’yeux de vaches curieuses et de génisses fixent la tente plantée dans mon jardin quand j’ouvre la fermeture à glissière ?

la prison fait face à l’hôtel ; la chambre est plongée dans une pénombre que le rideau écarté n’arrive pas à éloigner

à Combloux, non loin du Mont-Blanc, le dortoir des filles s’appelle le Yang-Tsé-Kiang ; le voyant de l’issue de secours brille vert dans la nuit bleue

sous la fenêtre, des voix d’hommes du continent africain chantent une sorte de mélopée lente et lugubre

paniquée je me réveille la tête en haut bien à sa place mais au fond du duvet allongé sur un tapis de sol au beau milieu d’une salle du patronage

depuis le stade de Gerland, les voitures klaxonnent dans la rue ; sous l’oreiller le transistor crachote la victoire de l’OL que l’on sait déjà

l’enseigne du marchand de vélos danse au plafond : huit lettres s’allument puis s’éteignent l’une après l’autre puis le mot entier clignote trois fois s’éteint et ça recommence huit lettres

compter trois pas jusqu’à la porte entrebâillée, vérifier la position du coussin en cuir pour voir la pendule dans le couloir, regagner le lit en comptant trois pas ; recommencer. On dirait que la porte a bougé

la pièce est blanche tout comme la parure de lit en dentelles et papillons brodés ; un rai de lumière blonde sonne la fin de la sieste

les couvertures en feutrine de laine grattent ; réminiscence du grand-père papetier à Pont-de-Claix

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

3 commentaires à propos de “« camera obscura »”

  1. L’emploi du mot texture me plait, dans le sens de « disposition des fils d’une chose tissée ». Merci Louise !