Reprise

Je ne sais pourquoi je l’aime. Au goudron terne, salissures du marché qui perdurent malgré balayages et arrosages, en pente douce cernée de façades en béton gris alvéolées de profonds balcons que soulignent quelques briques rouges et jaunes ayant perdu leur lustre, la place reste déserte avant que quelques enfants ne l’envahissent à trottinette ou à vélo à la sortie Continuer la lecture Reprise

#04 Réverbère

Réverbère imbécile. Lanterne à quatre pans. Une unique ampoule. Lueur orangée. Gaz rare sous pression. Du haut de son mât imitant la fonte ancienne, il éclaire un chemin communal impraticable sur lequel personne ne passe jamais de peur de se rompre le cou. Seules des vaches divaguantes l’empruntent quelques heures avant l’aube, le ravinant toujours avec une obstination quotidienne. Toute Continuer la lecture #04 Réverbère

Botanique de bord de route (suite 2 de l’aventure)

Le samedi, elle arriva trop tard. Le seul bus de la matinée passait à 7 h 16. Pas de 9 h 27. L’occasion de faire de la botanique de bord de route, comme le préconisait Gagnepain, son prof de biologie en prépa ; être capable de reconnaître la flore, même en voyageant en train ! Elle n’était jamais devenue une vraie experte comme le chercheur du Continuer la lecture Botanique de bord de route (suite 2 de l’aventure)

Rond-point fleurs

Les élégants nœuds tressés au bord des routes apparaissent à l’écran GPS et dansent autour d’eux, glissent sous les roues qui les absorbent, les lisent, les lissent en les parcourant ou en choisissant de continuer et les laissant dériver vers l’arrière, ou sur le côté contre leur joue, comme des fleurs offertes en bouquets, de trèfles à quatre ou six Continuer la lecture Rond-point fleurs

Borne

Au bord de la route à droite, route traversant un village-dortoir ou village-mort, mais quand même un trottoir et une bâtisse en retrait flanquée de deux ailes encadrant une cour, la Chenevrière et maison d’hôtes gravés dans un des piliers de pierre, la borne, habituelle marque des bords de route, et pourtant non, l’objet avait disparu, une disparition discrète, non Continuer la lecture Borne

Au bout du quai numéro quatorze

Composteur, orange était ton ancêtre. L’assassin du poinçonneur, métier disparu auquel Serge rendit un hommage poétique. Compter les passagers, en allers, en retours, en correspondances, le matin, le midi et puis le soir aussi, plus rarement la nuit. Enrayer la fraude, pistes magnétiques, tampons, dates, codes, numéro de gare, le matin, le midi, et puis le soir aussi, plus rarement la nuit.Croquer Continuer la lecture Au bout du quai numéro quatorze

Deux arbres, un petit jardin, une porte

ainsi que madame Godard-Livet, j’ai comme le sentiment (parfois) de lire une consigne déjà abondée en pensée – il y a cette chanson qui faisait « le chagrin lâchait la bonde » (la Route aux quatre chansons, de Georges Brassens) – et pour une fois de réaliser un vrai billet de blog (et non un texte – il est vrai, cependant qu’il Continuer la lecture Deux arbres, un petit jardin, une porte

La passagère du 9h27 (suite de l’aventure)

L’expérience lui avait tant plu qu’elle décida d’y retourner le lendemain.« Observez, observez, observez sans cesse » conseillait Henry James à Virginia Woolf. Il y a tant à voir quand on regarde le monde. D’y retourner et d’y rester plus longtemps, car elle avait maintes fois remarqué qu’en demeurant au même endroit, il se passait des choses, on percevait autrement, comme si Continuer la lecture La passagère du 9h27 (suite de l’aventure)

Le portail

 Un portail en fer, sur rail unique, très lourd à manier, avec ce bruit significatif de roulements qui se termine par  un claquement final vif, quand il est ouvert, un claquement sourd quand il est fermé, diffusion de bruits métalliques, assourdis, huilés, une forge rythmée/ roulements silence/roulements silence/roulements silence/ distance électrique, le mur du son. Des arabesques en fer forgé, Continuer la lecture Le portail

CROCHET TOIT



Il retient une ardoise au bord du toit, près de la gouttière. Un parmi d’autres, celui qu’on ne verrait pas sans un point de rouille à l’attache. Pointillé vertical qui dépasse en bas,  au milieu de l’ardoise, parmi d’autres pointillés bien rangés sur la longueur. Partie émergée de l’idée, de l’invention ingénieuse et nécessaire : en forme de petit saxophone dont le son serait la force de porter un petit morceau de temps rectangulaire.  Contributeur dans la couverture, signe de ponctuation incognito, entre ciel et terre, au-dessus des corps réfugiés à l’intérieur, ou des passants au-dehors, petit lien métallique entre volige et extérieur, squelette et ailleurs. Une pointe de solidité dans le grand désordre. Le  martellement dont il a fait l’objet quand le couvreur musicien du toit l’a fixé à l’endroit voulu, a laissé des traces invisibles : écho d’un galop régulier dans la lumière déclinante, ou petits pas des gouttes de pluie sur le toit. Répercussions.  S’il pouvait parler, il dirait la résistance au milieu de la tempête, la patience équitablement répartie entre tous les crochets, minuscule peuple des hauteurs scellant un pacte de protection. Il ne parlerait pas de ce qu’il voit, là où il est : rue qui descend vers les ombrages et lointain, habitant la douceur du gris-bleu dans le nid montagneux des ardoisières.  C’est de là que  vient la plaque grisée qu’il porte au-dessus de la mêlée, celle qu’il  maintient en pleine immobilité, poignée serrant fort le rectangle d’un carton à dessin qui est lui-même dessin parmi les dessins bien accrochés  formant en silence le toit.