Deux arbres, un petit jardin, une porte

ainsi que madame Godard-Livet, j’ai comme le sentiment (parfois) de lire une consigne déjà abondée en pensée – il y a cette chanson qui faisait « le chagrin lâchait la bonde » (la Route aux quatre chansons, de Georges Brassens) – et pour une fois de réaliser un vrai billet de blog (et non un texte – il est vrai, cependant qu’il s’agit ici d’atelier d’écriture et que de ce fait, probablement, le texte prime). OSEF complètement, cependant je ne pose qu’une seule image (mais où ?) (non j’en mets deux) (finalement trois) (eh bien non, quatre) – je ne sais si c’est dans l’idée de réaliser un billet justement que ces images furent prises lorsque je passais par là. Un billet pendant le week-end sera sans doute plus profus dans ce média comme on dit de nos jours (je reste assez (wtf) « à l’ancienne » dans ce compartiment du jeu – images fixes, pas de son etc…).

Il y a une chanson (mais elle craint) de Léo Ferré (qui fait « je t’aimais bien tu sais ») un peu le genre de choses qu’on aime à écouter une fois – mais une seule – remémore les choses qui se sont passées – sur une rue de la rive gauche, une rue dans le haut de laquelle on trouverait une école pour friqués – alsacienne si tu préfères – un lycée du même tonneau et une université de droit – très mal fréquentée elle aussi – elle vient du boulevard Saint-Michel, en son extrême sud, et, passant par un institut catholique, va à Raspail : en face de l’endroit où elle y aboutit, la maison construite avec l’argent des Rockfeller (je crois bien) (ou quelque autre milliardaire après guerre – étazunien puisqu’ils la gagnèrent) (le 54) sur l’emplacement de la prison du Cherche-Midi (tortures immondes durant la dernière guerre) (deux pas, tu traverses le boulevard, c’est l’hôtel Lutétia où oeuvraient les ss : c’est toujours là – à la fin de la guerre, on y accueillit les déportés survivants : il y a une plaque pour ce dernier usage – non pour le précédent, mes excuses) (on pense à Harry Baur qui a été torturé là – un de mes acteurs favoris – son Volpone inoubliable…). On n’y peut pas grand chose : à peu près en son milieu (c’est sans numéro cependant) se trouvait cette construction d’un autre âge : elle avait vu passer les chars, les tractions noires, les side-car, les armes et les soldats les casques et les bottes, elle est là, cette construction, elle limite un petit jardin où vit un grand arbre, et un autre plus petit. Il s’agit de l’arrière d’un immeuble de la rue attenante – Madame Mademoiselle ou Monsieur (il y a une rue Monsieur le Prince, de l’autre côté du jardin – le Luxembourg où siège la chambre haute). À un endroit de ce mur (mais pourquoi était-ce si peu centré ?) on avait percé une ouverture – une sortie dérobée mais qui donne sur une rue plus active et plus fréquentée (on passe par le jardin, on pense aux Misérables et à Javert (Michel Bouquet a tenu le rôle, Bernard Blier aussi mais le mieux reste Charles Vanel) et à monsieur Madeleine (Harry Baur, encore, puis le Montcorget puis Lino Ventura) – on y pensait parce que de nos jours, non, on n’y pense plus). Plus du tout. Il y avait là une porte de bois, quelque chose qui tenait par la grâce du saint-esprit et de la triade, elle était mangée, rognée, belle pourtant et bien en accord avec le reste du mur – mais pas du monde – il y avait l’acier rouillé des gonds et de l’huisserie, un mur qui avait un siècle minimum, dans les gris, dans les verts de la mousse qui ornait son faîte, ne faisait de mal à personne (la mauvaise herbe, pas moi qu’on rumine pas moi qu’on met en gerbe) mais était là et témoignait du passage du temps simplement. Devant lui passants, postiers, bignoles et le reste du personnel bipède humain passait sans se soucier de son état. A un moment est apparu une ombre, celle d’un profil, c’était sur fond beige clair qu’on discerne un peu, c’était noir – ça a été effacé – peinture beige à nouveau plus forte, pour ôter ça de la vue du passant. Ça gênait la vue, le regard, le passage même des pékins du coin (lesquels, on l’a déjà dit, vivent dans un quartier où le mètre carré se négocie dans les quinze k et qui dans une des rues adjacentes, est le plus cher de Paris dit-on (rue Guynemer du nom du pilote d’avion de la première guerre mondiale) : de ce fait, il se peut qu’ils s’imaginent ne pas être n’importe qui). Un jour donc, sans doute s’avisa-t-on que ce mur faisait une espèce de tache dans la belle régularité des immeubles de cette rue, ça ne pouvait pas durer, c’était moche, vieux, laid (il y a dans ces trois adjectifs quelque chose de la lapalissade usée jusqu’à la corde par la réalité contemporaine : l’un ne va pas sans les autres, tu vois) on allait y mettre bon ordre. On fit intervenir une entreprise, deux types (portugais si tu veux mon avis) un échafaudage de bric, de broc, du ciment, des truelles, du sable et des cailloux, et emballez c’est pesé, on cessa sur le mur de gloser. Voilà, c’était propre. On avait fait apparaître de chaque côté de l’objet des illusions de pierre de taille – c’est pour faire beau – et comme on n’allait pas remettre une porte quand même (ça ne sert à rien, personne ne l’emprunte tu comprends) (oui, je comprends) (ça ne m’empêche pas de haïr) on fit donc dans l’illusion qui sera complète – un truc en fausse pierre de taille plus foncé, qui rappelle les bords du mur – à peu près parfaitement abscons – l’entrée serait quand même ménagée, un renfoncement, des parpaings (ration 5 : 22) certainement en béton recouvert d’un enduit sable ensuite repeint. Depuis, on a pu voir apparaître ici ou là quelque graffiti qui ne dure pas – sinon celui d’un tatou bleu qu’on distingue à peu près ici sur l’image du robot (en date de 2017 – l’affaire est extrêmement documentée)

mais qu’on s’est empressé de faire disparaître (2018).

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

4 commentaires à propos de “Deux arbres, un petit jardin, une porte”

  1. Mme Godard-Livet marche toujours comme vous avec plein de choses dans la tête qui se bousculent, c’est même ce qui l’amuse le plus dans la vie : confronter ce qu’il y a dans sa tête à la réalité. Ce goût français des murs, même rafraîchis, est fascinant (me fascine) et en plus c’est moche. On rêve des rues de Montréal qui laissent voir même à Westmount, même à Outremont l’intérieur des plus belles propriétés !
    Il aurait fallu me mettre aussi dans les mots-clés, j’ai failli me râter

    • mais oui, bien sûr !! (j’y retourne immédiatement – comme dit la chanson) (c’est fait)

  2. vagabondages qui s’enfoncent dans le temps, en reviennent, rapportent ce qu’ils ont rencontré, le placent à côté du présent ou juste comme une base qui le justifie