#enfances #03 #01 | cheveux

la perte. dis d’elle la perte
c’est impossible c’est impossible
la perte inaperçue
alors désigne, fais advenir  

alors prie 

quels cheveux
  quelle est la couleur de ces cheveux
    est-ce que c’est ça blond vénitien
quels cheveux mais quels cheveux
  et cette peau
    et le bleu de ces yeux

cela pleut sur elle, cette enfant, cela pleut, glisse

ne dit-on les compliments pleuvent, c’est ce qu’on dit, c’est bien ce qu’on dit

les compliments pleuvent et glissent sur les baleines ouvertes et cassées du  parapluie qui redescend sur elle la couvre de son incompréhension,  elle oiselle à deux pattes

elle ne se dit rien à l’audition de ces commentaires

contiennent-ils la moindre malveillance ? oh ! ils n’en contiennent aucune 

les a-t-elle jamais reçus comme compliments ? jamais, non, certes, aucun

il faudrait pouvoir dire, après coup, l’épaisseur vide qui la sépare de ces compliments, jusqu’à quel point cela ne lui parle pas, ne la parle pas, jusqu’au point peut-être où elle est expulsée de ce qui se parle ­– moins elle que son corps ; elle, elle, elle  aurait voulu être comme tout le monde elle bien plutôt aurait voulu qu’on lui dise combien elle était extraordinairement comme tout le monde 

que perd-elle à être distinguée ? distinguée n’est pas nécessaire
elle aurait eu besoin de se reconnaître dans les autres, elle aurait eu besoin de se retrouver, elle aurait eu besoin de leur appartenir 

la vois-tu elle vois-tu tous les autres

ex-sister. est ce qu’il n’y a pas là étymologiquement quelque chose d’un en dehors. emprunté du latin exsistere, « sortir de, s’élever, se manifester, se montrer » ­– quand elle aurait voulu se fondre

elle existe elle est existée elle est positionnée en dehors 

tu n’as pas assez prié

A propos de véronique müller

même si je perds le fil, je m'en sors plutôt bien mal.

7 commentaires à propos de “#enfances #03 #01 | cheveux”

  1. totalement à côté de la consigne, pas même les participe présents, rien, je ne suis rien arrivée à tirer de moi, même ceci, qui aurait dû n’être un début, je traînai et j’oubliai. voila. elle traina. elle oublia.
    je vais ré-essayer.

    • mais la consigne peut très bien nous entraîner ailleurs aussi… alors pourquoi te condamner ainsi ? et en fait de verbe, tu as choisi le mot cheveux… étrange biais…

      à te relire, le verbe Exister a pris davantage d’importance, Se distinguer aussi… mais les trouves tu sans doute trop généraux ? pas assez en rapport avec le mouvement suscité par Gravir ?
      moi je reconnais là comme une sorte d’autisme, d’impossibilité à entendre, le JE perdu noyé…

      • ah Françoise ! merci. oui, je voulais dire ça : le je qui n’est peut-être pas là ou qui se perdrait…

        « quelle est la couleur de tes cheveux blonds vénitiens est ce que c’est ça blond vénitien quels cheveux quels beaux cheveux et cette peau. et le bleu de ces yeux.
        est ce que je le subis ? est-ce que subir est le bon mot ? y a t il seulement un je pour subir ? déjà je, encore je ?
        cela pleut sur elle.  »

        donc, bien vu…

        mais, je ne m’en sortais pas…. comment dire quelque chose qui serait de l’ordre d’une perte mais qui ne s’aperçoit pas. un manque, une forme de manque indifférent, hors drame, un manque à répondre, qui s’apercevrait 50 ans plus tard ! et pourtant il s’est passé des choses, des phrases qui sont venues la percuter, la modifier probablement, dans la perception d’elle-même…

        donc, j’ai fini par balancer ce texte, dans cet état là, mais…

  2. en fait la consigne était de retrouver un état, un regard, un environnement, un temps précis (et peut-être aussi de se rendre compte que ce temps n’est pas/jamais totalement révolu ?)
    (moi je vois ce texte comme un geste très précis, très délicat, on pourrait dire chirurgical, qui met à jour un centre, dans ce ex-ister, et qui dit que rien n’est immobile là dedans, qu’exister est à la fois le geste qui le découvre et la découverte elle-même) (« désigner » et « faire advenir » disent cela, ces deux jambes qui avancent, c’est très beau)

  3. merci Christine 🙂
    il s’agit moins sans doute de la consigne de ce sur quoi je cherche à mettre le doigt…
    merci toi de me désigner le centre de l’ex-sister (je reprends l’orthographe de l’ex-sistere d’origine)

  4. « elle est expulsée de ce qui se parle » — N. Sarraute ne redoute rien plus, elle, dès enfant, que de se voir enfermée dans un mot (elle l’écrit à propos du mot « malheur »)
    je vois moi dans cette « expulsion » une forme d’objectification — réduction ressentie comme doublement, du fait de se trouver en même temps l’objet de la discussion et présente à elle. Se voir exprimer de l’admiration, c’est se voir soumise à des mots, imposer des mots. Aussi admirative soit-elle, l’admiration est une réduction — elle t’ôte la parole
    (est-ce cela qu’il faut comprendre ? que l’obnubilation (« couvrir d’un nuage », ici d’une pluie), la fixation sur un détail ne prend pas la mesure de l’être dans son entier ? de son caractère essentiellement quelconque — le quelconque étant le caractère de ce que l’on a en partage, en commun)
    et peut-être est-ce cela aussi, entrer en « sous-conversation » ? (je ressens pour ma part la position d’écriture comme une manière de se tenir juste, par rapport à n’importe quelle situation, un niveau « en dessous » — comme en vue de souligner — de soutenir, supporter — ou, au contraire, de… saper ? saborder ? torpiller ? submerger ? le mot ne me vient pas…)
    … mais comment faut-il entendre cette « prière » ? tu n’as pas assez « écrit » ?

  5. « les compliments pleuvent et glissent sur les baleines ouvertes et cassées du parapluie qui redescend sur elle la couvre de son incompréhension, elle oiselle à deux pattes » ce texte mystérieux qui dit l’inquiétude du regard porté sur soi et des mots qui enserrent ( et n’être jamais distingué est-ce douloureux aussi)