#été 2023 #08bis | essuyer l’hiver au fond du café

Un geste - ici on déplie un possible d'écriture à partir du geste, raccordé à la proposition 8. Cadrage large. Lecture et relecture du magnifique extrait de Claude Simon absorbé dans la sardine à l'huile. Macère.

Certains jour, Eva ouvre la maison toutes fenêtres ouvertes c’est un grand rêve de transparence qui la traverse avec la propreté, une joie de plein équilibre entre l’intérieur et l’extérieur, une maison qui n’existe plus fermée ou obligée à ses tâches d’entretien, tâches quotidiennes, cuisine, draps, rangements de vêtements, repassage, pliage, presque une réconciliation une maison qui ne sert à rien d’autre qu’à la transparence, un rêve sans rien pour le contraindre, une bergerie sans animaux réclamant, bêlant, une pleine lumière, des sols laissant apparaître des reflets comme de nouveaux possibles, une surface lessivée, aspirée, comme soulagée des impuretés, des poussières, de la saleté comme des ennuis, des insatisfactions, frustrations, obligations, contraintes, une maison propre toutes blessures nettoyées. Pour se donner l’élan, s’épauler d’une présence, une femme essuie l’hiver au fond du café – Eva remplace les verres par l’hiver – une femme qui a bien trop à faire pour pouvoir pleurer, une femme qui ne se plaint pas et Eva trouve ça très courageux elle reprend du courage du nerf dans sa corvée qui n’est plus une corvée mais un partage une réunion plus large avec les autres femmes dans leur décor banal à crever qu’elles seules savent chanter, c’est vrai, ils leur arrivent de voir deux gamins se tenant par la main l’air émerveillé comme s’ils portaient le soleil, ils leur arrive de fermer la porte sur leur chambre jaunie qu’ils ont regardé d’un air attendri, il lui arrive d’avoir mal, tellement mal qu’un grand rêve de transparence la traverse comme si elle portait le soleil au bout de la serpillère, et qu’elle regardait elle-aussi d’un air attendri au cœur de la ville un coin pour aimer. 

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.