#été2023 #11bis | quelque chose suit son cours

Failli ne pas trouver mon personnage en lectrice pensé qu'elle ne se présenterait pas telle, et si j'ai trouvé. Maintenant je pioche a posteriori dans mon récit roman pour publier ici. Auparavant c'était l'inverse, je publiais ici et alimentais progressivement la version rassemblée dans un même document.

Quelque chose suit son cours (sur l’affiche du festival de la francophonie, un homme à l’époque de l’esclavage, en bas la citation d’Henri Michaux). Revenus en métropole Eva et C. habités par leur éloignement mettent un point d’honneur à renverser la superbe (trop étendue encore malgré quelques changements de focale) de l’histoire nationale. En province partager autour des questions de colonialisme, de rencontres interculturelles, quelques personnes engagés s’y attellent. C. puise dans Le Monde diplomatique la matière d’un scepticisme profond de ses compatriotes au pouvoir. Revenir en métropole, c’est en retrouver l’actualité, la politique avec une impression de déjà-vu, un certain ennui de ce Quelque chose qui suit son cours. Quelque chose du monde, de sa politique, de son économie capitaliste, quelque chose du métier qu’on fait (le même d’années en années), quelque chose de nos vies quotidiennes (répétées un jour puis un autre), dans tout ça quelque chose suit son cours. Mais quoi ? Quelques représentations théâtrales, quelques livres, en exposent les dilemmes, les paysages, les résistances, (Mouajdi Mouawad disent-ils). J’ai eu l’impression que je n’avais pas de courant contraire assez puissant dans le cours de ma vie, qu’elle allait suivre son cours elle aussi, son cours progresserait, sa simple avancée serait une menace. Il fallait de puissants vents contraires. Eva avait les siens. Il y avait dans sa bibliothèque une mère qui était une femme avant d’être une mère. Il y avait des témoignages de la Shoah. J’ai soufflé mes vents contraires, d’abord des vents de petite allure, puis de grandes bourrasques, des tempêtes, l’œil du cyclone. Tout ceci devait tracer l’envers, le palimpseste du cours de nos vies. Les lignes que nous dessinions pouvaient se croiser ailleurs dans la répétition différée de nous-mêmes, ce grand mouvement atmosphérique où nos vents contraires devaient finir par alimenter un même anticyclone, une même dépression, selon l’endroit où nous nous situions. Ce grand mouvement atmosphérique où nous n’étions plus la politique du moment, l’économie et sa finance mondialisée au renfort des grandes fortunes, nationalisme, fractures coloniales, sociétés conformistes, vies déterminées, nous étions ce tiers-vivre où s’écrivent, se disent, se jouent nos arrachements. Là, nous avions une chance de nous rejoindre.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.