#été2023 #13 | Le point zéro des routes de France

L’autoroute du sud ça ne veut rien dire. C’est deux bandes d’asphalte qui montent vers le nord. Deux bandes grises avec des lignes blanches, des glissières, des panneaux bleus ou verts. L’autoroute du sud chez moi monte vers le nord. C’est l’autoroute de Lyon, on lui donne des chiffres, un 7 et puis un 6, avant c’était la nationale. Est-ce que les autoroutes ont une origine ? Comme les chemins qui mènent à Rome. Comme les routes qui démarrent à Paris. Le point zéro des routes de France, où les petites filles jouaient à la marelle, trop petites encore pour regarder les leudes et Charlemagne. Lui à cheval et eux à pied, moustache franche, chausses lacées montant au mollet. Au lieu d’un trottoir au bord des autoroutes, il y a une bande d’arrêt d’urgence. Le regard porte au nord, tout droit sur les chaussées grises. Le soleil joue timidement dans les jeunes pousses des prés qu’il recouvre d’un duvet. Les maisons sont muettes sous leur toit de tuile. Partout la présence de l’homme se devine, poteaux, fer, bitume, champ tracés au cordeau, alignement des céréales en herbe, pylônes, panaches de vapeur, fils tendus, panneaux verts, bleus, clignotants et dans leurs mécaniques les humains sont au volant. Partout est la présence de l’homme mais de tout le chemin on n’en verra pas un seul, à part si l’on s’arrête prendre un mauvais café dans un gobelet mou, à la station service, humains debout se servant à la pompe, se servant au distributeur, avançant la carte qui bipe à l’appareil, humains dressés devant machine. Sauf si. Nulle part on ne voit l’homme dans le paysage autoroutier qu’il a créé. Personne ne marche le long des autoroutes. Si on sortait, décidez, si on sortait de l’autoroute, si on prenait par les chemins, la nationale c’est presque un chemin, ça fait rigoler. D’accord on prend la prochaine, on arrivera quand on arrivera.

A propos de Laure Humbel

Dans l’écriture, je tente de creuser les questions du rapport sensible au temps et du lien entre l’histoire collective et l’histoire personnelle. Un élan nouveau m'a été donné par ma participation aux ateliers du Tiers-Livre depuis l’été 2021. J'ai publié «Fadia Nicé ou l'histoire inventée d'une vraie histoire romaine», éd. Sansouire, 2016, illustrations de Jean Cubaud, puis «Une piétonne à Marseille», éd. David Gaussen, avril 2023. Un album pour tout-petits, «Ton Nombril», est paru en octobre 2023 (Toutàlheure, illustrations de Luce Fusciardi). Le second volet de ce diptyque sur le thème de l'origine, prévu au printemps 2024, s'intitulera «BigBang». Actuellement, je travaille à un texte qui s'alimente de la matière des derniers cycles d'ateliers.

2 commentaires à propos de “#été2023 #13 | Le point zéro des routes de France”

  1. Cela m’évoque une randonnée urbaine à laquelle j’avais participé où l’on marchait au bord des autoroutes, c’était très étrange. Marcher à contresens à travers de l’urbanité et ses bandes !