#été2023 #01 | Annie Dillard, commencer par inventer l’auteur

De mon lit à mon bureau il n’y a qu’un pas.
Mon bureau est cet immense vaisseau sur lequel d’ailleurs est gravée la carte du monde. Du bois, lourd, poli, verni. Une grosse pièce exotique qui a dû traverser l’océan. Il fait face au mur blanc. Blanc comme ma feuille au commencement.

Mon lit est un lagon reposant. Qui appelle mon corps raidi par l’assise. Les femmes-oiseaux d’Ulysse s’y prélassent. Trop belles pour être honnêtes, elles agitent leur bras couleur océan .  

Dans un coin de mon bureau, j’ai posé une caissette de bois clair où j’ai rangé tous mes carnets d’écriture. C’est une imitation bon marché des caisses de transport appelées à voyager au long cours… Fausse date : 1852. Cacao importé. Poids autorisé : vingt kilos. Destination : l’Australie. En cas d’urgence, je pourrais n’emporter qu’elle.

Mon lit est un tapis d’écume depuis lequel je vois le bleu du ciel. Il est tellement plus facile de m’ allonger et d’écrire dans ma tête, les yeux clos, le monde qui s’agite derrière ma fenêtre.

Derrière mon bureau, la large chaise en bois ouvragé garde mon corps à l’angle droit et mon esprit en éveil.

Il m’arrive dans la confusion du jour de travailler sur mon lit et rêvasser à mon bureau. C’est une discipline à laquelle je dois encore me rappeler de m’astreindre, une ascèse à l’adresse de laquelle je renouvelle mes vœux chaque jour.

A propos de Carine Colletin

Professeur d'anglais en exercice, lectrice avide depuis toujours, je suis entrée en écriture comme on entre en religion: avec ferveur et dévotion. Des écrits plein la tête et surtout l'envie de devenir un artisan, apprendre la patience, oser désosser les objets pour en comprendre le fonctionnement, tout en gardant la capacité d'émerveillement et la passion qui m'animent.

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