#été2023 #09bis | revivre la maison rouge

Sur la plage. Elle les regarde. Cheveux d’enfants emmêlés de mer de sable de soleil. Peaux rougies. Des voix. Les mêmes. Il faut rentrer. Il est tard. Des gestes. Les mêmes. On rassemble seaux pelles râteaux serviettes empesées de sel pliants de plage. Démarche prudente de l’arrière-grand-mère sur la plage empêtrée de galets goémon trous dans le sable. Elle ne peut s’empêcher d’esquisser un mouvement, venir la soutenir, mais la grand-mère lui tient la main ; la grand-tante veille à côté tout en jetant un œil aux filles. Elle aussi. Veille. La petite s’est perdue un après-midi. Elle s’en souvient. Elle les suit du regard.  Les enfants prennent de l’avance. Une fois rassemblée, la troupe repart. Elle connait le chemin. Elle pourrait les précéder, leur montrer la route, défier la nouvelle géométrie de la ville. Depuis la plage de la Parée, remonter le bout de rue depuis la grande maison blanche offerte aux humeurs changeantes de la plage, lorgner l’Oursin, quincaillerie colorée devant laquelle les fillettes s’attardent avant de saisir une main ridée et glacée malgré la chaleur de l’été. Place Jean-Louis Joubert. L’arrière-grand-mère sourit. Il faut maintenant remonter toute la rue de la Parée. Elle les suit. A distance. Odeurs de pins. Cris d’enfants. Vrombissement des voitures. Volets verts. Grilles en fer forgée. Cabine téléphonique. Jardin mystérieux qui cache une maison d’enfance. Une autre. Vibrante de souvenirs elle aussi. Volets bleus. Aboiements de chiens qui font sursauter la troupe. Cris et rires nerveux de l’aînée et de la grand-mère. La grand-tante se moque. Colonie de vacances. Elle ne connaitra jamais. Les vacances, ce sont le giron de ces femmes. Espace en friche avec une pancarte : « Terrain à vendre ». Pas encore loti. La forme d’une ville change plus vite… Volets verts bleus rouges bleus surtout. Vaste maison dans un jardin-pinède. La table est dressée pour l’apéro du soir. La chaleur est retombée. Fenêtres ouvertes. Volets fermés. Une engueulade. Des serviettes qui sèchent. Un vélo sur le trottoir. Faire un écart. L’arrière-grand-mère est fatiguée. Elle le sent. Il est temps de rentrer. La petite grille. Les herbes grillées. La maison rouge. Les filles font la course. La grand-mère sort la clé. Elle pourrait les suivre mais comment expliquer…

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !