#été2023#04bis Je cours donc je vis

Je cours depuis que je me souviens, je cours pour arriver plus vite, pour m’amuser, pour respirer, pour oublier, pour ne pas pleurer. Je ne cours pas pour gagner, je cours pour moi. Mais je cours avec un groupe qui célèbre le printemps en organisant une course à pied chaque année en avril…

Année 1 : circuit de 6km dans le parc du château de Schönbrunn, dans des chemins faciles, sur du gravier, entre les haies bien taillées, du plat d’abord, et puis on monte la pente vers la Gloriette, pas le temps de regarder le panorama sur la ville, il y a le retour en descente, j’ai bien couru, dans les premiers, pas essoufflée du tout, à revoir…Temps 0h46

Année 2 : circuit de 10 km sur le Canal du Danube, je connais, c’est là que je cours quand j’ai un moment. Sentier et goudron, bordé de petits arbustes, accompagné de fleurs, je chausse mes baskets et je me lance. Dossard numéro 11, mais il y a une quarantaine de participants. Foulée régulière, quelques escaliers à descendre et à remonter, un pont à traverser, belle vue sur le canal qui traverse la ville, en bas un bateau en partance, je cours, je respire, je m’en fiche de gagner, mais je serai dans les premiers…Temps 1h02

Année 3 : Toujours la même équipe, de plus en plus de participants. Circuit de 16 km à travers le grand parc, le Prater, une allée équestre bordée de marronniers, de l’ombre bienvenue, le soleil tape déjà fort en avril. Bonne organisation, belle publicité, il y a des spectateurs des deux côtés de l’avenue, qui encouragent, ou qui s’amusent, des enfants qui courent à côté de la caravane, la course continue à travers un grand pré, puis des forêts presque sauvages, des sentiers étroits pour déboucher à nouveau dans l’allée près de la grande roue qui surplombe le paysage…Temps 1h32

Année 4 : Toujours la même équipe, une centaine de participants. Cette année, le tracé reste dans la ville, dans le centre, le long du Ring, avenue principale qui ceinture la cité, asphalte tout le long, mais des marronniers majestueux donnant de l’ombrage. La circulation n’est pas coupée, tram et voitures continuent leur trajet au milieu, les coureurs se tiennent sur les trottoirs et les voies cyclistes. Circuit de 10km, à refaire une deuxième fois, donc nous ferons 20 km, pas trop le temps d’admirer les palais et monuments qui jalonnent le trajet, je trébuche sur un pavé qui traîne, fais attention tout de même !…Temps 2h08

Année 5 : Un marathon s’est créé en ville, 42km, je n’ai jamais couru aussi longtemps, j’ose ? J’y suis allée, trop de monde, ça se bouscule, ça trotte, ça chauffe, je ne suis pas bien, je n’ai plus envie, je transpire, est-ce que je suis malade ? Je crois que je ne suis pas faite pour courir en troupeau, plus de sensations sauf d’être trop serrée, je manque d’air, un comble, je trébuche, je ne peux même pas tomber, entourée comme je suis, c’est fini, je n’y crois plus, ces courses, c’est pas pour moi, de toute façon, je ne cours pas pour gagner, et je n’ai plus de plaisir, je lâche, tant pis, je sors du troupeau et je retourne vers mon canal pour me réparer…je continuerai, mais seule, le nez au vent, sans compter le temps,  je sentirai l’air passer, soleil, pluie, vent…respirer…

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.