#gestes&usages #01 | à cause

À cause du mot couleur j’ai plongé dans les pages : Ceci est la couleur de mes rêves. Lui penché sur ses rouges serpentins… Les mots disaient le geste et le chaos de peindre. Acharnement. Grâce. Rebuffades. Ce bleu : poudre de nuage ou chiure d’oiseau rêveur ?
À cause de la couleur des voyelles je suis restée la nuit sans voir. Les murs craquaient. J’avais peur.
À cause de la couleur, j’ai acheté une orange. Dans la rue grise il neigeait. Elle venait de mourir. J’ai pensé qu’une robe de satin ivoire ce n’était pas possible. En descendant la rue les ailes du moulin tournaient rouge. Aux vitrines on voyait des guipures noires . 
À cause de la couleur vert pâle de son chemisier je me suis souvenu… mais il était trop tard. Quelqu’un peignait le mur en jaune.

Cette façon de jeter les poignées de poudre : des pigments, c’est le nom. Souvent des « terres », des ocres et rouges dans la mixture relevée d’ammoniaque : ça pique, ne te penche pas trop près ! Et saisir le bâton à deux mains, le faire rouler entre ses paumes, cracher aussi ( secret de fabrication). On dit qu’ils urinent quelques fois, il n’allait pas – non pas devant moi. Tu peux mettre un peu d’eau. Une louche . Allez verse. Cette boue devenue arbre. Un arbre. Puis un autre. Un lointain d’arbre sépia d’une hauteur de six mètres. Avec son pinceau télescopique il alignait les troncs, variant les lignes qu’ils tiraient du sol et comme s’écartelant en branches nues.



A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

11 commentaires à propos de “#gestes&usages #01 | à cause”

    • Merci beaucoup pour le passage Bernard … c’est vrai qu’ils sont par là le poète et le peintre ( Leger, Mirò) et ce peintre de plateau de cinéma qui peignait les « découvertes » 100 mètres carré de toile pour l’embrasure d’une fenêtre

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