Jour de départ

Coup d’œil jeté à la pendule        s’assurer de n’avoir rien oublié        de toute façon ce n’est pas perdu        valise casée sur le siège arrière        vous partez en avance        pas besoin de vous précipiter        prenez votre temps        sur la route paisible        monotone        bordée de champs brûlés par le soleil        traversez une forêt de sapins        repensez à ces journées        passées ensemble        ces sorties partagées        en famille         instants de vie         fugaces         éphémères        vous souvenez         chacune         en dedans        n’échangez plus que quelques banalités        pour meubler le silence        évoquez le temps qu’il fait        –c’est toujours mieux du beau temps pour se quitter–        bilan du séjour         en quatre mots         c’était très bien        programme des jours à venir        date d’une future rencontre        tout cela        dans la perspective        d’assurer une continuité        un après        prolonger le partage        le plaisir d’être réunies        atténuer ainsi la peine        de la séparation        imminente        anticiper l’absence        le vide        le manque        parlez peu        les yeux rivés sur la chaussée        les minutes qui s’écoulent        qui s’épuisent        comme la conversation        calculez le temps qui reste        ne se rattrape pas        ces paroles futiles        qui ne se diront plus        jusqu’à la fois prochaine        arrivée à la gare         sans accroc        sans obstacle cette fois-ci        le car est déjà là        se garer        extraire la valise du coffre        la faire rouler sur le bitume        la glisser dans la soute à bagages        encore vide et béante        donner son billet à tamponner        par un chauffeur taiseux        et taciturne        si peu aimable        ne sait-il donc pas        lui qui est pourtant aux premières loges        tous les jours        témoin de ces étreintes prolongées        de ces émois discrets       singuliers        ne voit-il pas        la détresse des corps qui se défont        ou bien s’en protège-t-il ainsi         par si peu d’empathie        elle redescend        les marches de l’autocar        bon, ben voilà on y est        rapprochement de vos deux visages        vous serrez dans les bras        échangez des mots simples        des mots remplis d’amour        d’espoir        d’assurance        que ça se répète encore        au plus vite        au plus tôt        elle remonte les trois marches        tu la devines        cherchant une place        dans le long véhicule        s’y installant        et toi        toi        tu rejoins ton auto        en démarre le moteur        dépasse le car        rouge flamboyant        au ralenti         tente un ultime regard        vers elle        un dernier signe de la main        pour personne        la vitre est teintée        tu ne vois rien        ne la vois plus        et repars        seule        à nouveau.

A propos de Chrystel Courbassier

Après avoir passé une partie de ma vie à Montpellier, j'habite à présent, et depuis 15 ans déjà, dans le petit département de la Lozère, sur le Causse, au milieu des moutons et des mouches. Je m'occupe de mes trois loulous et de ceux des autres au sein de mon activité professionnelle en pédopsychiatrie. Et quand il me reste un peu de temps, c'est au travers de l'écriture que je prends soin de moi (écrits autobiographiques, poésie, fictions). Je partage l'aventure de l'écriture avec quelques ami(e)s inscrit(e)s depuis longtemps comme moi aux Ateliers du déluge. Mardis soirs, week-ends, à la bibliothèque, chez l'une ou bien chez l'autre, en plein été ou sous la neige, de visu, par skype ou téléphone, nous partageons ensemble la même passion des mots et des histoires. Participer aux ateliers de FB depuis l'été 2018 se situe dans la continuité de cette démarche, pour aller toujours plus haut, toujours plus loin !