jusqu’à SATURATION

Et puis c’était SATURATION gagner le mot avant lui s’imagine quoi lui à encombrer le réseau jusqu’à SATURATION lui SATURATION ou nous SATURATION et jusqu’à quand comme ça gars tout le dictionnaire jusqu’à SATURATION tout le langage connu ou inconnu jusqu’à SATURATION toutes les paroles qui le traversent et qui s’arrêtent jamais de le traverser transpercer transbahuter translater jusqu’à SATURATION toutes les lettres sur le marché à sans cesse secouer mélanger exploser pour faire du sens diluer du sens massacrer du sens bouffer du sens épuiser du sens lécher du sens immoler du sens jusqu’à SATURATION et puis où ça le mène où ça nous mène où il va comme ça où il veut qu’on aille comme ça où il veut nous perdre dans quel bois noirs dans quelle forêt d’horreur et de cris dans quelles eaux pourrissantes de désespoir dans quels marais dont on ne revient jamais sinon fantôme spectre momie zombie pleurnichant bavant dégoulinant jusqu’à SATURATION et son clavier apeuré qui laisse faire son ordinateur portable usé qui subit son écran poussiéreux qui endure son petit bureau rafistolé qui ferme sa gueule sous les coups répétés et jouissifs de ses doigts devenus incontrôlables voraces gloutons cannibales sangsues hurlantes en manque du geste d’écrire jusqu’à SATURATION jusqu’à pervertir les mots les pauvres mots patiemment rangés dans le dictionnaire universel et bienveillant du langage partagé et plus specialement certains mots le mot bruissant jusqu’à SATURATION le mot rafale jusqu’à SATURATION le mot dérisoire jusqu’à SATURATION le mot silence jusqu’à SATURATION le mot ample jusqu’à SATURATION le mot cerclé jusqu’à SATURATION le mot programmatique jusqu’à SATURATION le mot autofocus jusqu’à SATURATION le mot stère jusqu’à SATURATION le mot gifle jusqu’à SATURATION et qui sait quel autre mot tombera sous le tranchant de sa machette déjà saturée du sang des mots du sang des lettres du sang des voyelles du sang des consonnes du sang de la ponctuation absente sauf le point final du sang des minuscules dominées humiliées par les majuscules du sang des pages de blog inondées du sang des heures de lectures qu’il inflige du sang des camarades qui chialent toutes les larmes de leur inspiration jusqu’à SATURATION qui se terrent se barricadent engrangent des provisions pour tenir de longs mois face à ce déferlement cette occupation cet envahissement cette invasion barbare cette tyrannie jusqu’à plus soif jusqu’à l’agonie jusqu’au dernier souffle jusqu’à l’asphyxie jusqu’à la mort du texte annoncée jusqu’à la mort du blog jusqu’à la mort de l’atelier jusqu’à la mort des participants jusqu’à l’extinction du dernier parpaing connu jusqu’à l’éradication du mot SATURATION et merde pour le point final

A propos de Claude Enuset

écrit.faitécrire.cherche.scrute.réalise.assemble.défait.lit.dit.fragmente.songe.hésite.encourage.marche.joue. A mis en scène des textes de Copi, Lars Noren, Marivaux, Rémi De Vos, Jean Genet, Jean-Luc Lagarce, Luigi Pirandello, Tennessee Williams, Maeterlinck,... et beaucoup d'adaptations littéraires : Goethe, Voltaire, Verne, Stevenson, Gorki, Zweig, Twain, Teulé, Carrère.... Publie ici: sensdessusdessousecritures.

9 commentaires à propos de “jusqu’à SATURATION”

  1. Bon, sans commune mesure, j’adore à SATURATION ; le sang et la mort sont prêts à entrer en lice… A suivre ?

  2. C’est un PARPAING magnifique ! Je me retrouve à fond dans la démarche, on dirait même que tu as lu mes pensées. Troublant et jouissif ! Je me permettrai même de l’audace de lire ce PARPAING lors d’une prochaine soirée de lecture à la cool organisée par la librairie maelstrÖm les vendredis soirs durant l’été.

  3. non pas jusqu’à saturation (je sais c’est indigne, surtout pour ce texte) suis limitée
    d’accord avec Jérémie

  4. je renchéris : magnifique, on ne sature pas du tout à vous lire, on est emporté, ça tambourine fort dans la tête, ça sonne, ça obsède.