#L5 la paix

le chœur de Sodome et Gomorrhe
bavardages ! Il s’agit bien de justice et de justes
(c’est l’archange, le rôle, pas le chœur)

c’est un peu cette époque-là – un soir, un appel téléphonique disait qu’elle avait tellement peur – on est allés la rassurer il était tard il faisait nuit c’était vers la Nation et plus tard il y aura cette même ambiance dans la traque peut-être des Irlandais et encore ensuite dans celle de ce couple – elle vivait à Vincennes, non loin de là où ces deux enfants (ah je ne sais plus) avaient échappé à la mort, les amis de qui déjà ? –
oui, voilà, Vincennes c’était aussi le lieu de l’examen des militaires – c’est ce qu’on trimbale avec soi, ce matin-là, c’est dimanche vers sept heures en remontant le faubourg, c’est sept heures passées presque – le dernier dimanche d’août – Vincennes et ses examens, l’ami qui n’est pas encore de toujours raconte qu’il n’avait pas dormi de deux nuits, fumé tout ce qu’il pouvait trouver, revêtu un slip troué sous des vêtements sales et s’était présenté dans cet état de décrépitude – P cinq – ce n’est pas loin de ça, c’est dans ces heures-là bien que ce soit en août, fin de mois si j’ai bien compris – cette paix qu’on demande – le réveil ne donne plus l’heure exacte que deux fois par jour, la pile est morte, l’ennui n’existe pas, il est sur le faubourg et le remonte, il ne fait pas moche mais il est fatigué

la rue de faubourg de nos jours

un peu cette époque-là où elle, celle qui appelle au téléphone, avait indiqué ces cours de théâtre, quelle drôle d’idée mais oui c’est parce que je suis timide, deux ou trois essais, un sourire – non c’était plus tard – les cours de théâtre, c’était plus tard, et tout avait été pardonné alors – l’époque c’est celle qui précède ce qu’on appelle l’engagement ou plutôt l’appel sous les drapeaux – il devait y avoir eu une convocation mais l’incorporation (c’est joli, incorporation, un peu comme quand on rajoute du sucre dans le lait et la farine et qu’on mélange – penser à jeter une pincée de sel) (et Toulouse revient si l’un me ramène sur cette ville / Pourrais-je encore y trouver ma pincée de tuiles ?) parce que c’est cette époque-là où, au théâtre de la Ville, à six heures et demi, le concert dure une heure n’est pas cher et on peut y applaudir Nougaro Lavilliers Julien Higelin Sosa Quilapayun et d’autres encore – cette époque-là les étudiants donc s’incorporaient au premier août c’est comme ça – ça s’appelait un sursis et ce sera pour l’année suivante

c’est aussi que cette amie-là écrivait, plus tard elle publierait – elle vivait non loin de chez sa mère, entre le bois et l’avenue – retrouver la station de métro, retrouver l’hôpital où se déroulaient les simagrées importantes pour l’année à venir – le truc durait une année et était réservé aux hommes, ça allait en faire des vrais, des beaux, des tatoués – c’est un peu avant, ça se déroule dans l’année précédente donc mais le spectre est là : on travaille tout juillet et tout août, on met de côté et on continue la fac – du haut des immeubles qui longent le quai, on prenait des photos des pousseurs sur la Seine, au rez-de-chaussée on prenait des leçons d’aïkido (on se servait de la force de l’ennemi pour la retourner contre lui) on avait à prendre une licence, acheter un pantalon (noir) un haut (blanc) un uniforme un bâton un casque – kendo – ce genre de choses qui se déroulait aussi bien que le ping-pong au rez-de-chaussée de ces immeubles qui jouxtent le jardin des Plantes – se défendre se battre se prouver à soi-même – tout ce qu’on demandait pourtant c’était d’avoir la paix

vu de la rive droite (le type en bas, bord cadre à droite, c’est moi) (c’est de nos jours aussi) les immeubles du quai et la tour de la fac

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

10 commentaires à propos de “#L5 la paix”

  1. suivi comme le permet mon petit cerveau recroquevillé depuis l’aide pour la peur dans le soir jusqu’aux exercices
    et tant aimé « tout ce qu’on demandait pourtant c’était d’avoir la paix »

    (la photo aussi)

    • je vous avais déjà dit, je crois une fois,que cette phrase était en concurrence avec une autre « j’ai commencé à faire la cuisine quand mon père est mort » (la bataille des incipit) dont je vais me servir par ailleurs – mais content qu’elle vous agrée (je réponds tard, j’avais des trucs sur le gaz)(merci d’être passée)

  2. « – le réveil ne donne plus l’heure exacte que deux fois par jour, la pile est morte, l’ennui n’existe pas, il est sur le faubourg et le remonte, il ne fait pas moche mais il est fatigué » est/ce le « réveil »qui est fatigué ? Avoir la paix… de Vincennes à l’incorporation. Ces bruissements de temps entre guerre et incorporation… (et cette pincée de tuiles ) ça va très bien avec le mouvement du train de 10h05

  3. Pas lu ce qui précède mais la plongée est envoûtante. Des bruissements, c’est le bon mot. Et puis lire au rythme d’une pensée me met toujours face à un miroir. Allez, hop, je vais lire le début…

    • j’ignorai cet aspect de ta bio/biblio/graphie… (en tout cas, le titre rime comme une claque) (alors que j’ai bien aimé Antigone – j’ai joué le rôle de Créon dans des représentations de celle d’Anouilh (formidable texte)) (des abîmes – des abysses – s’ouvrent quand on pense que cette jeune femme d’alors (elle est de 75, 46 piges bientôt) se trouve quelque part sur la Terre non ?) (merci de ton passage)