###nouvelles#01, ranger ses livres

Peut-être un peu fourre-tout

De l’enfance peu de souvenirs de livres à moi. Des livres hérités, des livres reçus en cadeau de Noël et d’anniversaires, souvent à partager en fratrie. Des livres d’école rangés dans une étagère de l’armoire familiale. Des livres empruntés à la bibliothèque du quartier et rendus rapidement. Des livres que ma grand-mère ramenait de sa bibliothèque de prêt à la lectrice assidue que j’étais, livres d’aventures, biographies, et, très attendus, les romans policiers d’Agatha Christie. Pas grand-chose à ranger, à classer. Plus tard le travail dans la bibliothèque de l’université, les archives et la bibliothèque nationale, monument d’architecture baroque. De beaux souvenirs de silence, d’odeur de vieux cuirs et de parchemin, de lumière tamisée et de recherche accomplie…

Quand il est entré dans ma vie, il avait déjà ses préférences, ses auteurs, ses collections. J’apprenais Giono, Camus, Saint-Exupéry qui n’avaient jamais apparu dans mes cours de français. Il rangeait, je lisais. Il achetait, je lisais. J’apprenais pour de bon la littérature française. Petit appartement et grande étagère, et bientôt des livres d’enfants à côté des livres sur la région, des livres d’aviation, des livres de photographie, des livres de jardinage, de bricolage, de voyage, des bandes dessinées. Couchés ou debout, rangés parfois par taille, parfois selon les thèmes. Quelques auteurs se serraient entre eux, recréaient un monde…

Petit à petit, je grignotais, une étagère pour la littérature de langue allemande, un peu d’italien, un peu d’anglais, un espace pour mes poèmes préférés, puis des livres achetés sur le marché, grappillés dans des boîtes à livres, à charge de revanche, des livres échangés lors de cafés littéraires, empruntés à la bibliothèque du village, qui finissaient par s’aligner dans le couloir, ma collection de romans policiers qui remplissait des casiers le long d’un mur dans les toilettes, couronnée par d’anciens dictionnaires dont je n’arrivais pas à me séparer…un joyeux fourretout qu’on ne peut pas appeler rangement…et aussi les lectures en cours empilées à côté de mon lit, sur le parquet, dans des paniers, sur une tablette, qui attendent patiemment leur tour…

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02, mes librairies

Un immeuble ancien de cinq ou six étages, plusieurs entrées et sorties, et des livres partout sur le trottoir. Des tables, des caisses pleines de livres à un euro ou deux ou trois, maximum. Des livres fatigués, parfois cornés, des noms, des remarques sur la page de garde, des livres qui ont vécu. Une dizaine de caisses, des centaines de livres, des titres connus, lus et relus. Quel bonheur d’être là à fouiller, trier, évaluer, lire sans être pressé, cherchant parfois un titre précis, ou musant selon l’envie du moment. A l’entrée, un accueil et des caisses pour payer les achats. A gauche un escalier un peu raide pour les clients, et à chaque étage une entrée dans un espace dédié à un thème, région, histoire, romans classiques, récents, poésie, bandes dessinées, livres scolaires, et des DVD au dernier étage. Un régal pour celui qui peut prendre le temps. A Montpellier près de la préfecture ou à Paris au quartier latin, Gibert embellit mon après-midi chaque fois que j’ai l’occasion d’y aller.

La Berlue, petite librairie dans mon village qu’une jeune femme pleine de courage et d’espoir a créé au pied du château, dans un lieu exigu, à peine un deux-pièces, rempli de trésors, un antre  où il faut se frayer un chemin parmi les étagères serrées les unes contre les autres, utilisant tout l’espace disponible pour présenter les livres selon les thèmes, cuisine à l’entrée à droite, puis jardin, nature, région, un rayonnage double-face au milieu de la petite pièce avec les nouveautés, éditions de romans récents, littérature moderne, philosophie, essais, au fond sur le mur les classiques alignés par ordre alphabétique, livres de poche pour la plupart, et des piles supplémentaires par gain de place. Une étagère en équerre garnie de romans policiers d’auteurs anglais et américains. Attention à la marche ! les bandes dessinées à gauche, les livres jeunesse à droite sur l’estrade garnie d’une table ronde, de coussins et de poufs invitant à se poser. Des jeux originaux pour petits et grands. Redescendre la marche pour gagner la sortie en frôlant une exposition de carnets créatifs et de cartes peintes à sa droite. Coup de cœur devant les choix et les propositions de la libraire qui disparaît sous des piles de livres autour de sa caisse enregistreuse, toujours prête à répondre, expliquer, conseiller, distribuer des marque-pages. Sortir par la porte d’entrée, directement sur la place du marché et ses étals de miels, confitures, et fromages du pays.

Et puis une fois par an, avec un peu de chance, Thalia, la grande, celle de ma ville, de mon quartier, celle qui est ouverte du matin au soir, du lundi au dimanche.  Des livres partout. Des murs de rangées, des tables couvertes de piles, des banquettes bleues pour se poser un livre en main, des tapis rouges pour se blottir dans un coin appuyé contre une étagère, ou même couché à plat ventre, les yeux sur un livre ouvert à même le sol. Tous unis dans la découverte. Silence, chuchotement, les conseils sont donnés à voix basse, les échanges amicaux, on pourrait croire à un supermarché, mais c’est une maison chaleureuse, accueillante. Les romans à l’entrée, les policiers à la suite, la littérature allemande, puis étrangère, trois marches à monter pour les guides et récits de voyages, quelques marches de plus pour les bandes dessinées et en mezzanine les livres enfants pour tous les âges. Tapis bleu sur tous les sols pour ambiance feutrée. A la sortie la caisse, discrète, des informations sur les événements de la semaine, des visites d’auteurs, des conférences sur des livres, des thèmes variés, au revoir, à bientôt !

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

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