Ouvrir des portes

celles qui sont mortes juste après être nées et des fois avant, celles-là c’est étrange nous ne les connaissons pas, d’elles nous ne savons rien et pourtant elles laissent des traces des marques dans les existences, et même très profondes sur celles qui viennent après, qui arrivent comme ça en forme de remplacement, parce que remplacer des absentes, autant dire autant dire remplacer du rêve, qui le peut, personne, évidemment, non celles qui sont mortes avant d’être nées, avant d’avoir laissé des souvenirs celles là nous ne pouvons rien en dire seulement elles comptent et elles comptent bigrement, mais il y a eu aussi celle qui est morte après, quelques mois après être née, celle-ci je l’ai appris comme ça plus tard, celle qui était morte après quelques mois celle qui était morte de faim, oui c’est ce que nous pourrions dire d’elle celle qui était morte de faim celle que sa sœur avait essayé de nourrir avec le bout de son doigt le bout de son ongle patiemment en raclant sur un morceau de quoi de caramel, de beurre, enfin quelque chose qu’elle avait trouvé dans l’abandon dans lequel elles se trouvaient et alors il faudrait dire aussi celle qui avait nourri essayé de nourrir sa petite sœur, non une de ses petites sœurs et d’elle il y aurait encore beaucoup à raconter sur la manière dont elle a disparu dont elle a quitté cette vallée de larme qui d’une certaine façon fut encore pire que de mourir de faim je crois, et alors il faudrait parler aussi de celle qui celle qui vous avait comme laissées dans l’abandon parce qu’elle était partie au loin dans ses pensées et alors ce serait celle qui avait été, avait été, avait été, mais qui dira ce qu’elle avait été je ne sais pas mais ce ne sera pas moi seulement que c’était celle qui était partie au loin dans ses pensées mais aussi qu’un jour bien longtemps avant elle avait été jeune et qu’elle avait réussi dans sa campagne à apprendre à lire et à écrire c’était il y a longtemps tout de même et alors elle avait même réussi à devenir celle qui apprenait dans les campagnes aux enfants à écrire et à lire et à compter jusqu’au jour donc jusqu’au jour mais quelqu’un d’autre peut-être mais pas moi, voudra bien en parler et alors nous pourrions faire passer le temps les années et dire de nouveau celle qui et écrire celle qui ramassait dans les rues les chiens estropiés abandonnés et avait tout un tas de chien dans le terrain sur lequel elle vivait tous estropiés tous abimés l’un sur trois pattes l’autre édentés l’autre à la mâchoire cassées l’autre tout mordu l’autre dont la langue pendait tout le temps mais voilà des chiens qui jamais ne se battaient une communauté ils formaient autour de celle qui les ramassaient dans la rue et puis continuer et dire celle qui s’est enfermée toute une vie pour prier oui celle qui avait étudié étudié et puis un jour était partie comme appelée c’était étrange cela a raconter de dire celle qui avait été appelée et était partie pour répondre à cet étrange appel et puis continuer et dire de nouveau celle qui et voilà de nouveau celle qui était cousine (ou un peu plus) d’un écrivain oui celle qui avait transmis de loin un prénom d’elle peu de choses pourtant tout de même des choses qui ont été écrites dans quelques rares livres qu’il faudrait ouvrir oui surement un jour mais ce qui est sûr c’est qu’ils disaient d’elle qu’elle était très élégante beaucoup de classe c’est ce qu’ils disaient ceux qui se souvenaient de l’avoir connue et qu’elle avait marqués bien fortement peut-être reprendre les quelques livres un jour, mais continuer avec celle qui et voilà donc celle qui fut sage femme puis postière ou plutôt plus vraisemblable postière puis sage femme puis personne ne sait bien mais sûr sage femme un mois de décembre quand celle qui voulait naitre sans crier était née dans la neige et le froid mais avait bien fini par faire comme tout le monde et crier nom d’un chien, et puis celle qui était un jour partie de Bretagne sans prévenir à cause de celle qui mettait tout le monde en colère une méchante ils disaient ceux qui s’en souvenaient une bien méchante femme et qui avait raconté son départ comme ça et surtout son arrivée un jour à Paris, un de ses derniers jours de sa vie elle avait raconté elle était fatiguée à moitié déjà partie et elle qui jamais ne se racontait mais ce jour là un peu elle l’avait fait le regard déjà tourné vers le passé et souriante presque rougissante de ces souvenirs de son arrivée et de la rencontre, encore heureux, qu’elle avait faite et puis continuer et dire celle qui n’avait pas eu d’enfant et qui était fine presque transparente et fragile et qui ne l’avait jamais oublié lui autour duquel un monde de femmes amoureuses semblait avoir tournoyé et elle avait même gardé son nom jusqu’à la fin elle dont l’amour brulait en elle comme une petite flamme douce de cheminée qui éclairait tous ceux qui l’approchaient et quels souvenirs comme un petit coin de paix et de bonté elle projetait autour d’elle souvenirs d’enfant peut-être amplifiés mais tout le monde pourtant l’aimait et puis souvenir de ses œufs au parmesan qu’elle servait dans des ramequins servis sur une nappe brodée vraiment la voir rendait heureux et heureuses toutes celles qui venaient la visiter, oui c’est cela, tellement elle était bonne et douce comme des bougies pour prier, et alors continuer et dire celle qui avait planqué un revolver quand étaient arrivés les vilains à l’époque où les vilains avaient tout envahi même les esprits et elle avait fait preuve de sang froid ce jour là et plein d’autre fois même quand une vipère l’avait piquée dans un pré pendant les foins même quand elle devait faire tourner la ferme parce que le mari tout plein de rêves et de maladies aidait vraiment de loin ou quand elle faisait des cakes même quand elle faisait des confitures même quand elle faisait du cassis du jardin ou quand elle faisait le cuir les poulets et préparait les repas pour les fêtes et même quand elle poursuivait avec à la main un bouquet d’orties en criant ah tu vas voir ou ah vous allez voir mais il était facile de voir qu’elle riait en même temps qu’elle poursuivait jamais en tous cas elle n’ a attrapé personne les orties à la main mais c’était l’éducation d’autrefois, pour faire tenir droit comme un coup de trique ou comme des coups de espèce de bourrique souvent elle l’avait dit cela à ses filles bourriques, vous n’êtes que des bourriques c’étaient les formes de caresse que les mères prodiguaient généreusement à leurs enfants qui ensuite auront toute la vie pour se demander si c’est vraiment ce qu’elle pensait leur mère et puis continuons enfin oui ne nous arrêtons pas voilà celle qui avait été chez les bonnes sœurs et ne les aimaient pas, mais pas du tout, et qui frissonnaient en les voyants passer en disant ah les garces elles m’en ont fait baver et puis celles qui vivaient isolées sauvages dans un village perdu dans un bois et avaient des vaches vraiment enragées mais elles dans leur village elles ne l’étaient pas, bien moins en tous cas que tout ceux qui vivaient dans des villages et des villes bien civilisés loin des bois, non bien au contraire plus isolées elles étaient, plus solitaires et bien plus civilisées humaines elles se trouvaient à l’arrivée, et puis ne nous arrêtons pas et voilà celle qui avait été maire et avait le cœur sur la main et que même les animaux le savaient comme ce corbeau qui sur son épaule venait faire le malin, et puis celle qui était partie dans les îles comme Gauguin elle qui avait vécu dans le village au milieu du bois comme dans les contes de fées et qui toute bronzée et heureuse revenait voir quelque fois ceux qui étaient restés dans le coin, et puis retour en arrière au loin souvenirs indécis mais pourtant il y a bien eu celles qui étaient parties bien loin bien loin en Argentine dit-on et qui ne sont jamais revenues, et puis ne pas oublier celle qui pendant plus de 6 ans avait été attendue dans la rue devant la maison des parents tous les jours même ceux sous la pluie même ceux qu’étaient fériés comme dans un film au ciné et qui à la fin avait dit bon j’en ai marre de la maison et du père je pars avec ce couillon entêté, et puis quoi aussi celle qui avait ouvert une crêperie mais ne savait pas faire les crêpes, ah non alors pourtant c’était pas faute de lui avoir expliqué appris montré mais non enfin voilà, et puis aussi celle qui ne savait pas où vivait sa mère et aurait bien voulu le savoir jusqu’au jour où elle avait dit tant pis je ne veux plus la voir, mais il était possible ou pas de la croire et puis aussi celle qui avait peur d’être retrouvée par son père et ne voulait pas dire où elle habitait, et puis celle qui portait un voile, et puis celle qui avait disparu puis réapparu, et puis celle qui avait dit si vous continuez je préviens les journaux et ils n’avaient pas continué mais elle n’avait peur de rien parce que cela aurait pu mal se passer, et puis celle qui avait été surprise dans le garage quelle idée aussi, et puis celle qui un jour s’était mise à croire en un dieu un poil sectaire et avait gardé son très mauvais caractère, et puis celle qui avait fait une promesse qu’elle n’avait pas tenue et puis celle et puis toutes celles qui dans les souvenirs imprécis et percés n’étaient pas apparues.

3 commentaires à propos de “Ouvrir des portes”

  1. la langue heurtée (qui se veut heurtée) en hommage à celles
    (en connais une qui a porté toute sa vie le fait de savoir qu’elle était née parce que il y avait eu avant elle celle qui était morte à quelques mois, mais qui pour le reste fut entourée, aimée, un peu trop peut être par sa mère)
    destins qui viennent s’écrire comme remâchés dans la pensée de celles
    (bon sais pas comment dire, mais c’est ce que m’

    • Je ne sais pas si c’est maladroit mais je suis très touchée de vos commentaires et que vous ayez pris le temps de les écrire et en deux fois. merci beaucoup et je vous souhaite une belle année 2020…