photofictions #01 | Sugimoto

Je crois que c’est le mois de septembre, lors d’un séjour de découverte à pied d’Audierne et de ses littoraux nord et sud. C’est la fin d’après-midi, les métadonnées indiquent 13 septembre 16 h 55. La photo a été prise avec le smartphone. Plusieurs clichés, un peu à la hâte, de crainte que l’une des deux femmes ne se retourne et ne me voie en train de les photographier. Elles sont sur ma droite, en léger contrebas du chemin à partir duquel je les photographie. Je ne me souviens pas du tronçon parcouru à ce moment-là, de la destination exacte. Je me souviens m’être arrêté quelques instants, avoir mangé deux pommes et quelques fruits secs. Des différentes photos, il ne reste que celle-là, où j’ai resserré l’espace. La femme au bob bariolé montre-t-elle l’océan de son bras étendu ? Une connaissance au bord de l’eau ? Un bateau à l’horizon ? Elle se penche légèrement, tandis que son amie au bob rouge semble se crisper légèrement en arrière et je ne serais pas surpris qu’elle s’étonne de ce que lui signale la femme au bob bariolé. Elles ne sont pas assises très loin de là où je suis, elles sont beaucoup plus proches de moi que de l’océan — dans mon souvenir, la marée est basse ou, plutôt, commence à peine à monter. Je me dis que l’information serait vérifiable sur un calendrier des marées ou une application numérique. Pour moi, ces deux femmes, aux beaux jours et jusqu’à ce que la température leur soit favorable, viennent là, uniquement là. Comme la plupart des réguliers d’une plage, elles posent leurs fauteuils au même endroit. Je ne parviens pas à les imaginer comme estivantes de passage. Ce sont des locales, comme on dit, des locales à coup sûr. Pas forcément des natives pour autant. En légende, j’indiquerais, En Bretagne, les femmes montrent le chemin. Un chemin qui conduit à l’océan ? J’ai tenu à garder les quelques herbes au premier plan. Je trouve un manque de netteté à la photo, mais c’est cela qui me plaît. Je ne sais pas si un piqué parfait apporterait une information supplémentaire, une esthétique appréciable. Cette photo, c’est le « dialogue » entre ces deux femmes, assises comme sur une scène de théâtre. J’imagine leur appliquer une rotation de 180° environ et leurs visages nous apparaîtraient dans leur totalité. J’aime photographier les personnes de dos, car c’est ainsi que nous les voyons très souvent, lorsque nous marchons ou courons ou nous attardons sur une plage. Amorcer une série qui s’intitulerait Histoires de dos ou Vu de dos.

A propos de Xavier Guesnu

Après une formation et activité de comédien, je m'oriente pendant quelques années dans l'informatique, puis dans la remise à niveau français-mathématique des personnes en difficulté. De 1995 à 2021, traducteur anglais-français. Né à Paris en 1955, je rejoins la terre basque maternelle en 1990. Je la quitte en 2017 pour la Bretagne (Vannes), en attendant un départ vers là où finit la terre et où tout commence, comme disent les offices de tourisme finistériens !