Sol y floor

Ne pas soulever le regard si l’on veut que le chien ne dévore pas n’importe quoi pendant sa promenade, il faut garder au contraire l’oeil rivé sur tout ce qu’il y a par terre, notant au passage la trace sur le trottoir des scarifications, tailles, incisions dues aux travaux, avec possiblement date gravée, observant les cercles et carrés des trappes, rappel qu’au-dessous grouille une ville entière de boyaux, d’antres, de cimetières, et le métro et ses couloirs et ses dénivelés, et même le fleuve sous des boulevards, tout ce qui fait l’inervation des dessous des villes, envers du décor, double inversé, ces trappes qu’on appelle je ne sais pourquoi regards, ces regards qui gardent leurs secrets et qu’on ne regarde d’ailleurs guère, non plus que, ou trop ? les canettes, boîtes de conserves, vêtements, humains au sol – humains-troncs, hommes et vieilles femmes, muets ou anonnant les mêmes mots, puis reprenant la nuit tombée leurs pieds et leurs effets pour dormir dans quelque campement en région parisienne, et rejoignant alors le statut de passant et discutant entre eux – et puis les montagnes de cartons, les appartements dégueulés dans la rue : placards crasseux, bidets, lampes, guéridons, casseroles, sans oublier les chaises à trois pieds, machine à café, fer à repasser brûlé – après ça cherchant instinctivement à décrypter des phrases au sol, souvent à des fins publicitaires, on sait qu’on sera déçus, à moins de trouver quelque chose comme « l’amour n’est pas mort », ce qui ne rend d’ailleurs pas plus joyeux, ou, là, bien… de surprendre une plante soulevant le goudron, laissée libre de se mettre en fleur, mais alors, l’oeil, fatigué de tant d’amas de signes, au risque de ne pas empêcher le vieux chien de manger la merde de ses congénères, l ‘oeil quitte le sol, rejoint le ciel et se fond dans les nuages.

Planche à voile calée sur l eau lourde qui résiste et dérobe son appui, est liquide qui se creuse qui se cabre sous le poids du corps posé sur la planche, équilibre toujours à reconquérir, à remodeler sur cette pate veule mouvante vivante et obstinée, seule la vitesse, et quand on sait, à des abysses en-dessous, un autre sol de sable, lui-même au-dessus d’une croûte terrestre en feu.