Un samedi 27 septembre 1980 en Guadeloupe

samedi 27 septembre 1980

C’est samedi et je peux rester plus longtemps au lit car je n’ai pas cours au Lycée. Vers 7h j’entends maman qui prend son petit déjeuner avant de passer à la Salle de bain. Comme tous les institutrices, elle est sur le pont le samedi matin. Je sais qu’aujourd’hui c’est gymnastique et biologie. Mon père ne tarde pas à suivre, il part avec son ami Bernard pour une journée de pêche sous-marine. Après une première tentative infructueuse, j’ai renoncé à le suivre, trop fatiguant et ennuyeux. J’aime bien mangé du poisson frais mais la pêche au fusil harpon est très dur physiquement et ingrate. Tu plonges beaucoup, tu tire de nombreux harpons pour à peine quelques poissons… ou alors je ne suis pas doué pour ce genre d’exercice.
De toute façon, je ne raterais pour rien au monde mon cours de voile du samedi après-midi d’autant que la météo s’annonce idéale: soleil, 25°C et brise maritime orienté vers la plage.
Je me décide à sortir du lit un peu avant 8h. Je fais la bise à mon père qui s’apprête à partir. Je crois que lui-aussi rien ne lui ferais renoncer à une telle journée. Son visage d’habitude plutôt fermé est radieux. A cette heure, je peux prendre mon petit déjeuner en terrasse avec la mer en ligne de mire au-delà des maisons de notre lotissement. J’aperçois au loin des éclats blancs, signe qu’il y a une petite houle, suffisante pour rendre encore plus agréable la glisse sur l’eau. Je me doucherais ce soir. Je me brosse les dents rapidement et je retourne dans ma chambre pour faire mes devoirs du week-end.
Dans mon cahier de texte, j’ai trois choses à faire: du français, des maths et de l’anglais. Je commence par l’anglais car il faut apprendre 15 verbes irréguliers. C’est vite fait et je les répéterais demain et lundi soir avant le cours de mardi. Je prends la liste, je me lève et je répète en marchant. J’apprends plus facilement en marchant. Après avoir lu 5 fois la liste, je commence à répéter sans la regarder. Au bout d’une trentaine de fois, je ne me trompe plus. Je passe aux trois exercices de maths qui ne me font pas du tout envie mais il faut se les coltiner. Le premier passe comme une lettre à la poste, c’est la stricte application du dernier cours. Les deux suivants me posent plus de difficultés d’autant que les consignes du troisième me semblent plutôt ambiguës. Je verrais avec Jean-Bernard cet après-midi s’il peut m’aiguiller car je sèche un peu, quitte à reprendre dimanche. Je dois me concentrer un peu sur ce dernier cours car je pense qu’on ne va pas tarder à avoir un contrôle. Bien que j’aime le français, l’exercice du jour ne me parle pas trop. Je dois lire un passage du long poème d’Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, et déterminer les différents registres de langue utilisés par l’auteur. Le passage est beau et j’ai du mal à me concentrer sur la consigne. Je le relis quatre ou cinq fois et je note quelques choses dans mon cahier sans savoir si c’est ce qu’attend vraiment la prof. On verra bien. Avec tout cela, il est déjà plus de 10 heure et demi.
Je vais pouvoir enfin me caler dans mon lit pour lire le dernier tome de Luc Orient, Le Rivage de la fureur. Tout un programme! Je me sens ailleurs rien qu’en regardant la couverture. J’ai dû attendre 3 ans depuis le dernier tome. Il était temps que Greg et E. Paape sorte ce nouvel album. J’espère bien que cette fois Luc et tous les Dartz vont finir par explorer la planète Térango. Je me plonge à corps perdus dans la BD. Le suspense et l’action sont là tout de suite et je me régale. J’entends la voiture de maman qui arrive. C’est l’heure de donner un coup de main pour le repas et de mettre la table. Je me lève en déposant à regret ma BD pas encore finis. Il faudra attendre ce soir pour la suite.
Je fais la bise à maman qui ramène quelques corossols donnés par la femme de ménage de l’école. On va se régaler en dessert tout à l’heure. Je vide le lave-vaisselle et je mets la table pendant que maman nous prépare le repas, quelques tomates sauce « chien » en entrée, steak haché – frites, un yaourt, des corossols et un bâton glacé.
Sur la terrasse, le vent s’est levé et je vois que la mer est plus agitée que ce matin. La séance de voile risque d’être plus sportive que prévue.
Maman part faire sa sieste. Je rassemble mes affaires de voile dans mon sac et je descend à l’arrêt de bus direction Rivière Sens. Sony, le moniteur, est déjà à pied d’œuvre pour rapprocher les voiles des dériveurs. Il me serre la main et me dis que le vent est parfait pour l’après-midi, ni trop faible ni trop fort. Jean-Bernard a appelé pour s’excuser. Ses parents ne pourront pas l’amener. Il était déçu. Je suis triste pour lui. Faudra que je lui téléphone ce soir pour lui raconter et discuter des exercices de maths avec lui. Sony me propose de prendre quand même le grand dériveur, 420, tout seul. Tu es tout à fait capable de le barrer tout seul et tu t’éclatera plus qu’avec l’Optimiste. Je n’hésite pas une seconde. Sony me donne un tape dans le dos. Il m’aide à monter les voiles pendant que les autres arrivent. On s’entraide pour mettre les bateaux à l’eau pendant que Sony nage vers le zodiac de surveillance. Une fois qu’il est monté dessus et qu’il a mis le moteur en route, Sony nous donne le signal qu’on peut partir. Dès que je borde la voile le dériveur prend une belle vitesse. C’est grisant. Je m’accroche pour faire du rappel et me voici au-dessus de l’eau, les bouts d’un côté et la barre de l’autre. J’accélère encore et je zigzague entre les débutants qui sont à la peine avec les Optimistes. Je m’éloigne un peu pour les laisser tranquille. Je croise le regard approbateur de Sony. Il me fait signe d’aller plus loin et de me lâcher. Je remonte contre le vent vers la Pointe de Vieux-Fort, en quelques bords j’ai fait la moitié du trajet. Je vois Fred et Laurent dans leur 420 qui me suivent pas très loin. Ils ont plus de mal à bien prendre le vent.
Quand Sony nous fait signe de rentrer, j’ai mis deux longueurs à me poursuivants. Je fais un dernier bord pour être bien positionné pour le retour en vent arrière. La plage s’est vidée et le soleil commence à être bien bas sur l’horizon. Je vois les nuages habituels au-dessus de La Soufrière. Je fais la manœuvre, je lâche ma voile et je me mets maximum du rappel possible. Je sens que le 420 accélère de plus en plus, il se lève un peu sur l’avant. Banzaï! Je fonce sur la base nautique. Quel pied. Je vois Sony qui est obligé de remorquer Fred et Laurent qui ont été trop loin pour revenir à temps. Joss m’aide à sortir mon dériveur. Je le rince au jet d’eau. Je descende la voile et la plie. Le temps d’un petit coca avant de partir. Fred me félicite pour ma sortie. Sony aussi à sa manière.
Maman est venue me chercher pour qu’on aille prendre l’apéro chez Marguerite. Mon père n’est pas encore rentré. Il viendra directement. Pendant le trajet en voiture, j’ai encore la sensation d’être sur l’eau. Une bonne fatigue m’envahit. Pendant l’apéro, je me sens flotter, je n’écoute pas vraiment les conversations. Toute la bande habituelle est là. Mon père arrive en cours de route, lui aussi il a l’air bien fatigué. Il passe près de moi et m’ébouriffe les cheveux. Il me raconte un peu sa pêche et je lui dis que j’ai barré seul le 420. Il fait une moue admirative. Comme 3 fois sur 4, l’apéro se termine finalement en repas car Marguerite avait un Migan de fruit à pain sur le feu, l’odeur nous a alléché pendant le repas. J’aurais préféré rentrer pour finir ma BD et regarder un film avant maman, d’autant qu’on a emprunté « Rocky » au vidéoclub. Cela sera pour demain matin. En plus Jean-Bernard n’est pas là et je ne me sens pas toujours à ma place au milieu de tous ces adultes. Après le dessert, je me cale devant Champs-Élysées pour écouter les différents chanteurs invités. Je pique du nez plusieurs fois avant que papa décide de rentrer pour mettre son poisson au congélateur. Je rentre avec lui. J’ai le temps de finir Luc Orient avant d’éteindre la lumière.

Samedi 27 septembre 1986

C’est la première semaine des vendanges. Je suis complètement lessivé d’autant que j’ai fait une petite isolation le deuxième jour. Hier soir, je ne suis pas arrivé à lire plus d’une page des Chants de Maldoror avant de m’endormir. Je vais faire porteur toute la matinée, ce qui me convient mieux que d’être courbé sur les ceps de vignes toute la journée. Avec Stéphane, nous avons convenu de partager nos journées. Le patron est d’accord pour calculer nos paies en fonction. Le porteur est mieux payer que le coupeur alors que, de mon point de vue, c’est moins fatiguant. Tu cours d’un coupeur à l’autre mais tu n’es pas cassé en deux à tourner autour du cep à chercher les grappes à sectionner. C’est physique mais moins usant. Julie se met à chanter « I can gent no satisfaction » et les autres reprennent en canon. La journée est annoncée moins chaude qu’hier et c’est heureux. Nous allons moins souffrir. Ce matin, la patron, qui doit avoir juste cinq ans de plus que nous, nous a proposé une soirée en boite de nuit juste avant notre dimanche de repos. Tout le monde a été d’accord et cela nous a donné une chouette perspective pour la fin de journée plutôt que de rentrer s’affaler de fatigue, manger à la va vite avant d’aller se coucher pour être en forme le lendemain.
J’ai vidé une centaine de sauts quand vient la pause café et gâteau. Le soleil est bien haut et nous tape bien sur la tête. Nous sommes plusieurs à asperger notre casquette d’eau pour nous rafraîchir. Jean, celui qui conduit le tracteur avec la benne, me tape dans le dos en disant que j’ai bien assurer ce matin. Un petit clin d’oeil d’encouragement en plus. Quatre ou cinq vendangeurs boivent un petit verre de vin… moi cela me dit rien. Je vais pisser contre un arbre avant de reprendre.
Cela chantonne à droite et à gauche, plus quelques blagues qui fusent et la matinée passe vite.
La salade de riz a été vite engloutie. Yaourt et banane pour moi. Un peu plus de la moitié va faire une petite sieste et les autres, dont moi, on s’assoit en terrasse un café à la main en regardant le Mont Aigoual au loin. Aucun nuage. Un petit vent du Nord s’est levé et rafraîchit l’atmosphère. Cela va être plus agréable tout à l’heure.
L’après-midi passe très vite. C’est beaucoup plus silencieux que le matin sauf la dernière demi-heure où Julie a mis le turbo en chantant à tue-tête. On a fini avec quelques lancés de grappes pour décompresser. Sur le chemin du retour, les uns et les autres commençaient à faire des plans pour la soirée et à réfléchir à leur tenue de bal. Je n’avais pas beaucoup de choix dans ce que j’avais amené, une chemisette bariolée bleu et jaune. Je suis passé le dernier à la douche car je savais que je serais prête très vite. En attendant , j’ai donné un coup de main pour découper les légumes qui allaient faire la sauce de notre repas de pâtes bolognaises. Un pâtis et deux verres de vin rouge m’ont permis d’être bien joyeux à la fin du dîner. Au journal de 20h, il y a un rire communicatif quand repasse la séquence ou le Pape Jean-Paul 2 s’inquiète du terrorisme en France. Son discours est tellement en décalage avec ce qu’on attend de lui…
J’appréhendais un peu cette sortie en boite de nuit. En Guadeloupe, je n’y étais jamais aller et depuis mon arrivée en métropole, c’est ma deuxième fois. Est-ce que j’oserais inviter Julie à danser. Je vois bien que je ne suis pas le seul à être sous le charme. Le patron, brun ténébreux, semble avoir la côte auprès d’elle. C’est d’ailleurs dans sa voiture qu’elle monte pour y aller.
La boite de nuit est déjà bien rempli quand on arrive. Nous squattons une table pour nous quinze et on fait une cagnotte pour acheter les bouteilles de whisky. Julie part danser assez vite suivi par le patron et deux autres vendangeurs. Ils font une chorégraphie assez réussie. Je commence à boire. Je me sens empoté. Je ne sais pas quoi faire. Stéphane ne va pas danser tout de suite lui non plus. Il observe. Au troisième verre, je me décide enfin à aller sur la piste de danse. Je me laisse porter par le rythme. Le whisky commence à faire effet et je sens que cela tourne un peu. Je voit Julie et le patron, dans leur coin, qui se frotte l’un à l’autre en rythme. Je me sens soudain très seul. Stéphane flirte avec une jolie blonde qu’il vient de rencontrer. Je vais me rassoir et reprend un verre de whisky. Je me sens de plus en plus flottant. Je n’ai pas envie de danser et je me demande ce que je fais là…. Je continue à boire ce mélange bizarre de whisky – coca. Je retourne danser en titubant. Je ne vois plus Julie. Stéphane a disparu lui-aussi. Je me déchaîne et je me défoule sur la piste. Tout à coup, je me sens nauséeux alors j’arrête. Juste avant de m’asseoir, je sens que j’ai envie de vomir. Je fonce aussi vite que possible vers les toilettes. Je vomis longtemps. Je transpire. J’ai dû mal à tenir debout. Je me tiens au mur en sortant de mes WC. Je retrouve Stéphane qui me regarde, l’air surpris, puis il me demande si cela va. Je fais non de la tête. Après tout est assez flou, je me vois dans ma voiture mais ce n’est pas moi qui conduis. Stéphane est au volant. Je vomis encore au gîte et le dernier flash, c’est Stéphane qui me porte jusqu’au sommier où il a enlevé le matelas de peur que je le salisse. Je me réveille au petit matin en ayant très soif.

Vendredi 27 septembre 1996

Le jingle de France Inter me tire de mon sommeil. Il est 7 heures et comme d’habitude ce n’est pas joyeux entre les talibans qui viennent d’entrer dans les faubourgs de Kaboul et les nouveaux accrochages entre palestiniens et israéliens en Cisjordanie. Je regarde le beau soleil par mon Velux pendant que le lait chauffe pour mon chocolat. Les analyses politiques s’embrouillent un peu dans ma tête pendant mon petit déjeuner. Mon cerveau n’est pas encore bien réveillé. Je me brosse les dents, je me rase et je m’habille. Dans la voiture qui m’amène à la bibliothèque, je réfléchis à mon programme de la journée. Après le rangement quotidien, Joëlle, du secteur jeunesse, a un accueil de classe, quant à moi je dois finaliser ma liste de livres pour la commande groupée qui part la semaine prochaine. Je ne pourrais pas après à cause de ma semaine de formation obligatoire post-recrutement. Une semaine par moi pendant un an, cela va être compliqué à gérer avec tout le reste. Pas le choix. Pff même France Inter passe Wannabe des Spice Girls… Il me reste cinq minutes de trajet, je coupe la radio.
Simone est déjà arrivée comme d’habitude. Tous les volets sont ouverts et le café est en train de coulée dans la salle de pause de la bibliothèque. On se fait la bise et je vais poser mon sac à dos dans mon bureau. En allant chercher le café, je jette un œil aux chariots de rangement. Il n’y a pas grand chose. Cela ira vite ce matin. Je vais avoir plus de temps pour boucler ma commande. Cela va être cruel en cette période de rentrée littéraire. Je voudrais acheter plein de livres différents pour les faire découvrir. Avec Simone, on fait le point sur les taches du jour, elle voudrait profiter qu’il y a peu de rangement pour laver deux ou trois bacs d’albums jeunesses. Je lui dis que je suis d’accord et de son coté elle m’incite à ne pas ranger pour terminer ma commande. Joëlle, Chantal et Ilker arrivent en même temps. Mustapha arrivera pile à 9h. Ce n’est pas un lève-tôt. J’aime beaucoup son calme et sa nonchalance. Il sait y faire avec certains jeunes du quartier quand ils sont excités. Ilker lui fait le gros bras auprès des plus grands.
Le point café du matin passé, l’équipe se met à ranger et je m’assoie dans mon bureau. En ouvrant mon cahier de sélection, j’entends la voix de Khaled qui envahit la partie public. Ils ont mis son dernier album pour se donner du cœur à l’ouvrage. Outre Aïcha, les autres titres sont vraiment bon!
Hardi! Sur environ 90 livres notés dans mon cahier, il faut que j’en garde que 65 pour tenir mon budget. Je vais quand même prendre un ou deux premiers romans. Faut que je regarde dans Le Monde d’aujourd’hui leurs dernières sélections et la liste à jour des livres encore en lice pour les prix littéraires.
La sonnette me sort de mes réflexions. C’est la classe de CM1 qui arrive. Je me lève pour saluer l’institutrice et les parents qui accompagnent. Je donne un coup de main pour que tout le monde se mette à l’aise rapidement. Certains enfants sont déjà en train de fouiller dans les bacs ou un album à la main. Cela fait plaisir. Je laisse ensuite Chantal et Joëlle gérer le groupe. Je remplis ma tasse de café et j’attrape Le Monde qui est dans la boîte aux lettres ainsi que je le reste des revues et courriers que je dépose sur la banque de prêt. Mustapha ouvre la bibliothèque au public quand je me rassoie à mon bureau.
Le matin à partir deux ou trois retraités c’est calme. Après 11h, nous avons parfois une petite bande de collégiennes qui viennent se réfugier et discuter autour de la table à côté des CD. Les incontournables sont là: L’Organisation de Jean Rolin, Le Chasseur Zéro de Pascale Roze, Instruments des ténèbres de Nancy Huston, Week-end de chasse à la mère de Geneviève Brisac, Les Honneurs perdus de Calixthe Beyala. Mes deux coups de coeurs à partager avec certains usagers Rhapsodie cubaine d’Eduardo Manet et Sonietchka de Ludmila Oulitskaïa. J’espère que cette dernière sera toujours fidèle à son univers et sa belle écriture. J’hésite encore pour Les Loups du paradis de Sophie Chérer et Hôtel maternel de Marie Le Drian.
Tiens j’entends l’arrivée de Belkacem et ses injures habituelles. Je laisse Ilker s’en occuper. Il est vraiment imbuvable quand il est comme ça. Il doit souffrir pour en vouloir à la Terre entière. Bon il me reste encore dix livres de trop sans compter que je dois encore lire la dernière sélection du Monde. Pas eu le temps. Il est temps d’aller déjeuner à la cantine de la MJC de Cronenbourg. On a rendez-vous avec François, le directeur, pour discuter et faire le point sur nos projets à venir. Belkacem est parti et je vois bien que Simone fulmine encore des insultes qu’elle s’est prise dans les dents. A la suite d’Ilker et Mohamed, je tente de la rassurer en lui disant que ce n’est pas personnel mais elle a vraiment du mal. Simone dit tout faire pour accueillir, à la Bibliothèque et dans le quartier, le mieux possible les jeunes pour qu’ils se sentent bien. Elle comprends pas ce qu’elle prend pour de l’ingratitude.
Quand j’arrive, François est déjà attablé avec son adjointe et un des éducateurs. Après les avoir salué, je pose mon sweat sur la chaise et je vais me faire une assiette de crudités au buffet. Je leur raconte vite fait le passage éclair de Belkacem et le ressenti de Simone. Pour eux, cet antagonisme est difficile à déconstruire de part et d’autre. Après les poncifs sur les problèmes d’intégration, François et moi, nous parlons de notre projet de faire venir Didier Daeninckx pour une rencontre dans le collège et à la médiathèque. Pour François, c’est l’occasion d’essayer de lancer un atelier d’écriture et il me demande si Daeninckx pourrait être partant. A priori c’est le genre de chose qu’il fait mais il faudra que je lui pose la question. On se met d’accord sur 3 séances en plus du premier passage. Nous parlons de ma formation obligatoire de fonctionnaire qui se déroulera à Nancy une fois par mois et François me donne quelques tuyaux sur la ville, deux ou trois adresses de bons restaurants. Du coup, je ne pourrais pas être à la soirée danse de mercredi prochain. Je regrette car la répétition que j’ai vu il y a quinze jours m’a donné envie. François me parle de son nouveau cerf-volant qu’il va tester ce week-end dans les Vosges. Je lui dis qu’à l’occasion, je viendrais bien avec lui pour essayer. En fin de repas, toute la tablée parle de la rentrée littéraire et chacun y va des ses avis sur les auteurs ou les bouquins dont ils ont entendu parlé. Cela ne m’aide par vraiment mais cela part d’un bon sentiment. Dernier café de la journée en tête à tête avec François, il me parle du dernier concert de Jazz qu’il a vu.
De retour à mon bureau, je me plonge dans Le Monde Littéraire. Rien d’intéressant dans la sélection, trop intello et quelques autofictions qui ne marchent pas auprès de mes lecteurs. Je remets M. Le Drian dans mes achats car elle est encore en lice pour plusieurs prix. Je réussis à barrer dix titres dont certains à regret mais j’aurais du mal à le vendre ici. Je saisis ma commande dans le logiciel juste avant ma plage d’accueil de l’après-midi. Avant 16h, pas grand monde et je peux lire Les Inrocks et Diapason pour mes prochains achats de CD ainsi que Le Point et Marianne parus hier. Les points de vue sont très tranchés au sujet des nouveaux affrontements en Cisjordanie. Je pense que cela serait bien que les Israéliens se retirent mais la situation a l’air très complexe au final.
Les collégiennes arrivent vers 16h10 et rendent leurs livres et CD. Il y a une marocaine qui suit la série Grand Galop. Cela m’amuse. Je ne sais même pas si elle a déjà vu un cheval en vrai. Elles s’assoient à leur table habituelle près des CD. Elles chuchotent et ricanent bêtement. C’est l’âge. A partir de 17h, c’est l’affluence et on est pas trop de deux à gérer les prêts et le retours. J’ai quand même le temps de conseiller deux livres à Mme Meyer qui aiment bien les polars, notamment un Daeninckx qu’elle ne connaissait pas encore. J’en profite pour lui parler de sa venue prochaine. A 17h55, je fais l’annonce de fermeture pour les retardataires. A 18h05 on ferme avec les chariots de livres à ranger bien plein. On aura du boulot demain matin. Simone sort et range la caisse dans le petit coffre-fort. Je ferais le point demain matin en arrivant. Je sens le petit coup de mou quand je m’assoie dans la voiture. Je ne sais plus ce que j’ai prévu à manger pour ce soir. Probablement un truc vite fait pour ne pas rater le début d’Urgences. Tiens la journaliste littéraire parle du livre de Le Drian à la fin du journal. Des filles-mères qui sont enfermées et dont on découvre peu à peu l’univers. Cela me donne envie de le lire. Satané embouteillage du vendredi!
Pates au pesto, yaourt, un kiwi et me voici devant les Guignols de l’Info. Bim! Juppé, via sa marionnette, en prend encore pour son grade. Petite fraicheur du soir qui permet de déconnecter. En attendant le début d’Urgences, je prend le Gaston Lagaffe emprunté à la va-vite tout à l’heure avant de partir, Gala des Gaffes. J’explose de rire quand Gaston achète, met des boules Quies et que le policier Longtarin le siffle puis lui hurle dessus… Je pique du nez plusieurs fois jusqu’au début du premier épisode d’Urgences. Le générique me réveille ainsi que l’entrée en matière avec l’arrivée de plusieurs patients blessés par un accident de la route. Quand je met en veille la télé à la fin du second épisode, je fais le constat que les intrigues entre personnages deviennent de plus en plus fouillés. Plaisir renouvelé dans le visionnage. Pas l’énergie ce soir de reprendre mon Daeninckx, j’éteins et je m’endors tout de suite.

A propos de Xavier Galaup

Bibliothécaire en Alsace, j'écris poésies, nouvelles et textes courts depuis de nombreuses années.