# voyages # 6 Calvino & Castiglione

Le repas terminé, l’hôtesse Elizabetta proposa à ses invités un nouveau jeu pour passer agréablement la soirée. On apporta le légendaire tiramisu aux biscuits roses et une autre carafe de vin doré.

« Mes amis, profitons que nous soyons rassemblés pour échanger nos aventures, nos découvertes, nos passions, en laissant de côté pour ce soir les passions tristes et nos chagrins. Je vous propose tout d’abord de tirer un papier sur lequel sera inscrit votre nom pour la soirée. Quant à moi, je serai Elizabetta Gonzaga et je vous demanderai d’imaginer que mon cher compagnon d’aventures veille sur cette conversation dont il aurait apprécié la saveur, à la fois pour ce qu’elle nous réunit ici et pour ce qu’elle réveille de la sublime cour des Montefeltre au cinquecento. Je te baptise, mon doux, Guidubaldo. Vous, ma chère L. vous tiendrez le récit de cette soirée sous l’égide de Baldassar Castiglione. »

Ainsi, après que l’on eut joyeusement applaudi la proposition et distribué les rôles, le seigneur Ottavio Fregoso, alias L.P., lança l’idée que chacun racontât l’un de ses voyages les plus mémorables.

Le seigneur Gasparo rebondit aussitôt et dit: « Afin de parfaire la proposition de notre charmante hôtesse, je vous raconterai les quelques jours passés dans la petite cité d’Urbino afin de nous placer d’emblée dans l’atmosphère du Livre du Courtisan. Castiglione dit: Sur les pentes de l’Apennin, presqu’au milieu de l’Italie vers la mer Adriatique, est située, comme chacun sait, la petite cité d’Urbino… »  » et il commença ainsi:

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À ce moment-là, Serafina, alias la globe-trotteuse la plus aguerrie de l’assemblée, considérant que le tableau de Raphaël, la Mutta, faisait piètre figure au milieu des rires et des exclamations, insista pour célébrer des rivages plus lointains et plutôt que les baignades dans le « fiume’ se mit à vanter les rivages du Mekong. Madame Emilia qui avait toujours été à ses côtés dans leurs périples, accepta de compléter avec quelques touches de son cru. Elle avait soigneusement tenu leurs journaux de voyage et savait ajouter des noms précis aux tableaux impressionnistes de sa compagne.

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On tourna la tête vers le voisin de table de madame Emilia qui se trouvait être messire Cesare Gonzaga, alias G.L. qui acceptant l’invite, parla ainsi: « Les dames Serafina et Emilia me pardonneront de leur porter la contradiction. Elles nous ont permis ressentir la moiteur parfumée de ces contrées asiatiques et de placer ces régions au zénith de leurs souvenirs. Mais je me permets de leur rappeler d’autres séjours en leur compagnie dans un lieu que j’avais cru être leur plus familier et leur plus cher. Je veux dire la belle et aride Lanzarote. À ces mots, Baldassar, alias L. pourtant chargée uniquement de noter les propos, ne put s’empêcher d’intervenir avec sa vivacité naturelle fortement contrainte par la mission qui lui avait été dévolue. Elle confisqua la parole à messire Cesare, qui la connaissant sous ses travers aussi volcaniques que le lieu qu ils allaient décrire, s’appuya contre le dossier de sa chaise et lui laissa tout loisir d’égrener ses souvenirs, avec la gracieuse attitude que la cour de Montefeltre n’aurait pas reniée.

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A propos de Liliane Laurent

griffonneuse dans ateliers multiples. Steph, l'éditeur du Hanneton m'a fabriqué deux jolis livrets, les Effilures (les Certains jours que je publie sur FB depuis plus de 10 ans de façon aléatoire) et Rockaway (hommage à Patti Smith) pour la série Poètes & Songs. on me retrouve aussi sur mon profil Lily Briscoe Lighthouse. Existe aussi sur blogspot Les effilures de lil.