#voyages #07 | cervelle d’oiseau

J’oublie de prendre les clefs de chez moi. Cela arrive souvent, je vais jeter la poubelle, je reviens… j’ai oublié mes clefs ! (La porte ferme à clef automatiquement) Le pire a été un jour, quand une infirmière est venue me soigner, elle sonne, je descends l’accueillir à l’entrée de la résidence – mon interphone ne marche pas ou je ne sais pas comment il marche -, nous revenons de concert… j’avais oublié mes clefs ! Quel ridicule !… Enfermé dehors avec une infirmière à domicile !… elle a été compatissante, aimable, bienveillante, empathique, etc. Du coup, quand je sors jeter ma poubelle, et qu’il apparaît que j’ai bien pensé à prendre mes clefs, je vis une sorte de bonheur et de contentement confinant au luxe : j’ai mes clefs ; je peux rentrer chez moi ; au passage de la clef, un badge, devant l’oeil, il s’allume d’une belle brillante lumière verte, la porte fait « plonk », indiquant que l’aimant super fort qui la maintenait fermé s’est libéré ; j’entre effectivement ; je gagne l’escalier ; etc. Mais si je ne peux pas entrer, je reste à fulminer contre moi-même planté à la porte. Souvent il fait très froid, souvent je suis obligé d’attendre quelqu’autre qui entre, faire semblant que je suis là au même moment par hasard, passer subrepticement avec comme si de rien n’était – je ne vais pas expliquer que j’ai oublié mes clefs. Si j’attends trop, si même l’attente solitaire devient ridicule, je dois appeler un par un les différents numéros de l’interphone pour négocier d’ouvrir. Ou bien, suprême supplice, quand personne n’ouvre, je dois appeler, crier, l’immeuble énorme face à moi, espérant que ma voix franchisse les frontières de béton, montrer que je suis dehors, et que quelqu’un veuille bien me secourir. En général ça marche, et qui manifeste pour moi un peu de solidarité humaine est en général hilare : on me connait. Sinon, oh bonheur, quand j’ai mes clefs, que j’ouvre par moi même ma porte, il me prend l’impression d’une plénitude personnelle, d’un soulagement apaisant du monde. Je sens la chaleur qui diffuse à la surface de mes vêtements. Je vois la lumière un peu jaunasse qui fait se lever au garde à vous la rangée de boite aux lettres à mon arrivée. Je sens mes chaussures marcher sur un sol propre et net. J’ouvre mon manteau. Je frémis en pensant que j’aurais pu être encore dehors. Les marches de l’escalier me disent bonjour. Chacune sonne comme une petite clochette. À l’entresol je contemple le mur, j’admire la rampe, je m’épate de retrouver l’extincteur. L’arrivée à mon étage me fait éprouver le grand apaisement d’un complet accomplissement. Enfin chez soi.

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