écrire-film # 01 | un dimanche comme ça vient

La tache orangée sur la porte fenêtre suivie d’un petit filet ne bouge pas, ne bouge jamais. La peinture blanche écaillée laisse transparaitre le gris sur le bois et la vitre pas très propre. Tâches de doigts, traces de pluie, formant de fines formes presque des dessins. Et puis, au loin, les nuages gris qui voyagent lentement, imperceptiblement traversés par les fumées blanches jaillissantes des toits des maisons bourgeoises. Pas de vent, les arbres ne frémissent pas. Les antennes télévisions sont immobiles. La grande grue des travaux n’avance plus. Pas de silence non plus, bruit de roues sur le bitume mouillé de façon régulière mais espacée. Le petit chien entre dans la chambre, fait le tour du lit, attrape un chausson, le lâche, renifle les tiroirs, et s’en va, dépité. Le ciel s’éclaircit par endroits, devient presque bleu. De l’eau sur le toit plat du gymnase tel un miroir reflétant le ciel. Les maisons blanc crème, orangées par endroits, toitures marrons, fenêtres en rectangles, se ressemblent, sans mouvement. A l’angle de la rue, surgit furtivement une femme, sac sur le dos et grand manteau sombre. Au même moment, le panneau publicitaire change d’image. Un voisin entre sa voiture dans le parking extérieur. Le panneau du sens interdit surveille la rue. Un bus de ville, vide, roule, sans s’arrêter. Et le silence. La silhouette d’un homme, le dos un peu voûté, avance, bonnet sur la tête, sac dans la main gauche. Voiture noire, feu rouge, crissement des freins. Flaque d’eau sur le sol. Une jeune fille, veste beige, capuche blanche, marche dedans et s’éloigne. Des bruits de voix en bas, une conversation inaudible, puis le silence. Le son d’un marteau. Et le silence. Marchant côté à côte, un couple portant des masques chirurgicaux bleus ciel, tiennent, chacun à la main, un parapluie. Les nuages gris s’allongent puis s’assombrissent, deviennent bleu nuit. Sur la vitre, la tache orangée et les traces de doigts disparaissent avec la lumière. Les arbres deviennent des ombres. Les réverbères s’allument et les fenêtres des maisons également. Le panneau publicitaire se fige. Un homme suit ses petits enfants, l’un à vélo à quatre roues. Densité des voitures en chassé croisé. Les toits des maisons ne se devinent plus. La nuit engloutit tout. Un vieillard passe, une baguette de pain sous le bras. Seul le blanc du panneau de sens interdit se perçoit encore. Des silhouettes se hâtent. Dehors, un chien aboie. La rue est vide. Bruit de pas qui monte dans l’escalier. Gémissements des chiens qui rêvent. C’est dimanche.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

6 commentaires à propos de “écrire-film # 01 | un dimanche comme ça vient”

  1. A travers l’écran d’une fenêtre : une belle approche, et un rendu très visuel, coloré, avec lumières et ombres.

  2. J’aime comme les bruits et les silences apportent un tempo à cette heure à cette rue.