#11 LES RÉFÉRENCES

Notes sur mes sources

  • 1.
    Description de la terrasse de l’usine V.-J., à Saint-Claude, friche industrielle dans laquelle j’ai préparé une résidence et une performance en 2012-2013. Grillage. Entrée interdite. Pensées sur l’esprit ouvrier disparu du lieu. Peur de croiser des animaux parasites (rats, cloportes, serpents…). Observation au ras du sol de rebuts et de vieux outils.

  • 2.
    Déroulé-défilé de ma première journée de maçon le 3 juillet 1983. Consolidation d’un mur d’usine de chiffonniers à Aubervilliers. Montage de l’échafaudage en bois et lourde ferraille, puis percement de chaque alvéole des parpaings du vieux mur. Embauché par mon « beau-père » et en compagnie de mon « beau-frère », qui a d’emblée décidé qu’il me mènerait la vie dure. Repas de midi avec un employé gardien de l’usine et ferrailleur. Impossible de déplier mes mains, à la fin de la journée, tellement elles sont « moulées » sur le manche de la massette et pleines d’ampoules.

  • 3.
    — Souvenir d’installations artistiques avec des téléviseurs à tube cathodique, réalisées à Strasbourg en 1979 par une amie artiste, B. S., avec laquelle je travaillais (ciné super 8, polaroids, poésie…).
    — Mes années de projectionniste au Rialto, 1981-1982, dont la cabine de projection était placée derrière un grand écran de verre dépoli. (Procédé de la « transparence ».) Ciné permanent du quartier Stalingrad avec programmation série Z (deux films pour dix francs).
    — J’ai habité un HLM dans le néoquartier Paris-Rive-Gauche de 2008 à 2013. L’organisation des différents éléments urbains, des zones de vide et de plein « respiraient » le logiciel 3D.
    — Évocation « poétique-politique » à partir d’un poème de S. P. d’un de ces néoquartiers.
    — Trajet panoptique pour me rendre de l’entrée de l’immeuble jusqu’à mon poste de travail dans les dernières années (2004-2013) où je travaillais aux Échos.

  • 4.
    Observation par le menu de ma théière en fonte. Recherches lexicographiques (CNRTL). Espérance que cet exercice d’écriture va me donner le goût et l’habitude de boire du thé. Lecture de Ponge (la Rage de l’expression). Recherches sur les objets transitionnels (Wikipédia).

  • 5.
    Description psycho-géométrique-architecturale du « paysage » de murs en aplats que je vois aujourd’hui (2019) de la fenêtre de mon bureau ou de la cour arrière de ma maison. Expression de mon antipathie par l’emploi du conditionnel.

  • 6.
    À la manière de J. R., mélange de souvenirs datant de l’époque fin des années 1970, début des années 1980. Apparition d’une voiture (404) et de deux personnages principaux en creux (il- moi- et elle-mon amoureuse d’alors-). Évocation de la situation politique de ce temps de pacification sociale.

  • 7.
    — Vision d’une « pietà » baroque faite de bric et de broc et voilée, allongée sur le rebord d’une baie vitrée de l’usine dans laquelle je fais des repérages pour ma résidence d’artiste début 2013 à la diamanterie coopérative A., à Saint-Claude, aujourd’hui en friche.
    — Vision par la fenêtre d’un oiseau picorant des miettes sur le balcon de la terrasse de ma maison de petite enfance (environ 1965) à C. (Basses-Alpes).
    — Vision récente (2019), chez des amis, du barrage du Gouffre-d’Enfer par une fenêtre d’une maison haute du village de R., près de Saint-Étienne.
    — Reflet dans une vieille fenêtre dans la nuit tropicale. Été 1979. Deux personnages dont moi.
    — Jeu de signes de la main comme si elle (mon amoureuse B.) et moi habitions deux appartements différents, alors que c’est le même, mais qu’il est configuré en U. Souvenir d’un trois-pièces rue K., à Strasbourg, en 1997.
    — Vision à travers une autre fenêtre de ma maison de petite enfance (environ 1967) de champs de blé agités par le vent.
    [Dans chaque cas, j’ai choisi le pronom « elle »]

  • 8.
    Trois sources pour cette introspection :
    — le temps de l’école primaire (1965-1970) dans le petit village des Basses-Alpes ;
    — tout le reste (de 1970 à 2019), ramassé en un seul paragraphe assez lapidaire ;
    — La période actuelle (2019), avec mon malaise développé.

  • 9.
    Patchwork de vieux appartements, objets et immeubles. Pure invention, aussi. Paradoxe : le seul et unique vrai souvenir en image de l’endroit n’est pas écrit. Je voulais tenter une approche qui ait l’air hypermnésique. En m’appuyant sur des impressions, des descriptions vues ou lues ailleurs. La vraie maison est vraiment perdue !

  • 10.
    La description des trois journées d’approche du 27 septembre 2019, bien que pauvre, est réelle, écrite en direct, et tente de ressembler à un journal personnel.

  • 11.
    Pour trouver quatre hypothèses, il fallait d’abord créer une situation de départ. Le choix de prendre le texte et, surtout, le contexte sur la période « pro-situs-autonomes-années-1980 » m’a paru évident. J’avais des personnages. Il n’est plus resté qu’à compléter en invoquant les nombreux souvenirs qui demeurent de cette époque. J’ai un peu mélangé, mais ai tenu à respecter les noms de lieux. Toutes les hypothèses ne sont pas que pure invention.

  • 12.
    Le texte où je disais le plus « je » était dans la troisième partie de mon introspection. La situation décrite (maladie, lente capitulation…) m’offrait l’occasion de déployer un champ de forces où le « sujet » était en train de muter, de se transformer, de se dissoudre. Un peu de « postmodernisme deleuzoguattarien » a fait le reste.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

4 commentaires à propos de “#11 LES RÉFÉRENCES”

  1. C’est super, on dirait un véritable appareil critique. Du coup on a envie de chercher le texte de départ, existe-t-il ? Ou bien sont-ce de fausses pistes ?

    • Chaque texte de départ existe. Il n’y a pas de fausse piste.
      Mais votre lecture est intéressante : partir (ou pas) à la recherche en se basant sur le seul appareil de notes ?

  2. Sobre et beau. J’aime l’enchevêtrement de souvenirs – vrais ou pas – et de considérations politiques ou sociétales. Et j’ai très envie de redescendre les rivières à partir de ces sources …