# 40 jours – # 13 couleurs | Evry la contemplée

A marcher sur les trottoirs immenses, vastes aplats de luxe

comme une Promenade anglaise

Passant passeur tu prends le large à ta manière

les bras balancent et font cordages

Au navire ployant sur les vagues de terre – car  la ville est ce port

qui part des champs jusqu’aux voiles d’équipage

– quand se déploie l’immensité des Pyramides !

Feux de câbles et de soudures, bulles d’or et d’églantier

Tous les orgues de l’Afrique sont réunis pour ta gloire

Et toi, le mendiant qui sourit la main jointe au cœur

Je vois que t’y trouves un bonheur – Agite les grigris à l’ombre des citernes !

Lentement sur les terrasses tu parles à voix basse

pour appâter les chats

marchant avec eux et clignant des paupières

tout le jour à longer le temps

venant d’on ne sait où

Distribuant les prospectus avec un beau sourire d’Egypte

Et les syllabes des portes s’ouvrent – tu y rencontres des Sisyphes endormis par terre

Dans un songe antédiluvien qui les hante et les oublie

Feux sur les fronts, les gandouras, les plis suaves

L’arc-en-terre des misères est ici fauve et doux,

Rues d’oranges ensommeillées sous les avenues

où fusent des calèches de folie

Les linges de musiques à travers les vitres ouvertes, les Gnaouas, les youyous

Ongles verts de sève bleus turquoise fluo jaunes

Flammes aux soies mauves et leur peau superbe !

Mais toi qui vis dehors, tu longes le vacarme

dans un vol d’hirondelle

Passeur passant en paroles chuchotées, presque le mur comme une épaule

Peut-on écrire quand on a si faim ?

Le matelas par terre, les cheveux remplis de bêtes

Pourtant l’Oeil premier  – est là, tournant ses myriades de langues

Dans un flots d’agrumes sur les Terrasses de l’Agora

Frôlant le ventre du ciel

L’Oeil est là qui passe des Pyramides à la passerelle

Au seuil de chaque magasin, jusqu’au Conservatoire, harmonium de soleil

Jusqu’à la cathédrale du XXème siècle et l’allée du Grutier

Jusqu’aux chansons des filles aux joies franches et rebelles

Jusqu’aux conciliabules des fontaines, la fredaine des eaux claires

Jusqu’aux soies de ton visage qu’il embrasse au passage

Suivant les pas traînants des babouches et des robes

jusqu’aux bouges de l’ancien temps des villes

Ta supplique est entière quand tu dors dans la mer rouge sur le matelas par terre

Et pourtant nos yeux se touchent

Ville enlacée de prières, familière et douce comme la main sur la joue

comme les enfants courent dans le crépuscule car le monde entier est un balcon géant

Donnant sur le soleil quand par terre tu n’entends plus la faim

Réduit à donner la main exactement celle qu’on attend

Car la ville est un temple où tu parles aux oiseaux aux signes d’exilance mon frère

Enlace-moi de ta parole à terre

Qu’elle soit la magie noire qui fait monter mon cœur.

A propos de Françoise Breton

aime enseigner, des lettres et du théâtre, en Seine-Saint-Denis, puis en Essonne, au Cada de Savigny, des errances au piano, si peu de temps pour écrire. Alors les trajets en RER (D, B, C...), l'atelier de François Bon, les rencontres, les revues, ont permis l'émergence de quelques recueils, nouvelles, poèmes. D'abord "Afghanes et autres récits", puis en revues "Le ventre et l'oreille", "Traversées", "Cabaret", "La Femelle du Requin"... Mais avant tout, vive le collectif ! Création avec mes anciens élèves d'Aulnay-Sous-Bois de la revue numérique Les Villes en Voix, qui accueille tous les textes reçus, photos, toiles...

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