#40 jours #17 | micca nomi

Mieux que rien. Cinq après-midi midi par semaine.Ce qui l’embête, c’est qu’elle ne peut pas abandonner sa chienne seule à la maison. Elle doit l’emmener avec elle et la laisser dans la voiture sur le parking de l’EHPAD. Son public de fauteuils coques et celles qui les habitent acceptent sans problème qu’elle s’absente pendant les séances de coloriage pour aller voir la chienne. Deux mois encore. Le congés maternité de l’animatrice titulaire du CDI arrive à sa fin.

Elle n’a pas de prénom. Presque vingt-ans qu’elle sert au Proxy. Quatre vingt trimestres cotisés qu’on ne l’appelle que par le surnom qu’elle n’a pas choisi. A la caisse longtemps. Plus maintenant. Les patronnes préfèrent les plus jeunes, celles qui ont toutes des tatouages. Au remplissage des rayons désormais. Elle s’en fout sauf que pour les rayons du bas, elle a du mal à rester longtemps à genoux à même le sol. La retraite, c’est trop loin. Elle ne pense qu’aux prochaines vacances: une semaine au Maroc avec sa fille.

Difficiles ses premières années de gardienne de la paix. Surtout avec sa hiérarchie à la Sécurité publique. Surtout qu’elle n’est pas femme à fermer sa gueule. Surtout qu’elle ne tolère pas les petits chefs qui se croient tout permis. Désormais au sein de la Brigade d’Interventions, elle est sereine, bien dans sa peau. Elle est un flic comme les autres. Sous le casque, derrière la visière de protection, on ne les voit pas ses taches de rousseur.

NDA: en langue corse, l’expression micca nomi : pas, pas du tout de nom ou prénom.

A propos de Ugo Pandolfi

Journalist and writer based in the island of Corsica (France) 42°45' N 9°27' E. Voir son blog : scriptor.

5 commentaires à propos de “#40 jours #17 | micca nomi”

  1. Ugo, voilà trois évocations de femmes sans nom qui me touchent beaucoup !
    Merci à toi !!

  2. On les voit. Elles sont là. Trois anonymes. L’histoire peut commencer. Merci Ugo

  3. On en croise tellement des femmes comme tu les as si bien évoquées. Merci Ugo

  4. C’est tellement prenant, et vrai, rentre dans le corps.
    Très touchée par la seconde évocation – … comme un coup dans le ventre, tant c’est juste.
    Un très vif merci Ugo, aussi pour votre lecture de Saint-Pierre, quelle expérience inouïe d’avoir pu vivre un peu là-bas, ce témoignage que l’archipel vous a transmis… et merci pour le conseil de lecture, c’est sûr que je vais le partager… Belle soirée à vous