#40jours #21 | On va partir d’une grande fatigue

On voit cela – à longueur de temps – des murs lépreux et des gribouillages – la ville est un grand brouillon et par facilité on dira bouillon de culture- que ce soit au sens microbien ou au sens multi ethnique- on sent le grouillement de population et toutes les tensions invisibles qui le composent. Circuler dans un Marché de quartier , c’est changer de langue, d’odeurs et de couleurs – La déréalisation se produit insidieusement, elle débute par une sensation d’étrangeté – on se sent soudain comme en terre étrangère et on guette le son des phrases qui nous prouvera le contraire – on s’accroche aux regards aux sourires,aux moments furtifs de connivence entre passant.e.s. Leur rareté interpelle. On dit : Pardon ! Merci ! Je vous en prie ! Excusez-moi ! Rien qui engage vraiment la possibilité d’un échange mieux nourri. On écoute les transactions entre les marchand.e.s et leurs client.e.s – l’humour ou la fermeté dans l’annonce du prix, le petit silence et le geste plus ou moins brutal de donner la marchandise dans des sacs en plastic peu solides presque transparents, après avoir récupéré l’argent et rendu la monnaie, vite vite passer à autre chose, remettre ce qu’on vend en ordre de séduction en baissant les yeux. L’art du rangement sur un Marché est fascinant, même avec le vrac.

Appel à calemote

Les quais , les graffitis, impossible de passer à côté sans en prendre quelque chose un ou plusieurs détails à garder dans la mémoire. Lire machinalement, sourire et toujours finir pas admettre qu’il s’agit d’une peau de ville tatouée contre son gré. A qui devrait -on demander la permission d’enlaidir une ville ? Alors personnne ne la demande.

Ayant l’air décontracté

Sont en train de tout démolir, par tranches d’épaisseurs inégales. Les maisons individuelles ou les vieux immeubles disparaissent comme s’ils n’avaient jamais existé. On a même pas vu le mouvement de déménagement des habitant.e.s. Ce pourrait être n’importe qui; jeune ou vieux, sédentaire ou de passage, des voisins que la destruction a séparés, qui ne se reverront probablement plus.On ne sait rien d’eux. Chaque individu, chaque couple, chaque famille dans son projet, dans son budget , dans son rapport au monde ou au quartier. On a beau parler de profil socio-économique, chaque composition d’un immeuble,d’une résidence privée, d’un quartier est une alchimie fascinante.Une simple fenêtre ou une baie vitrée, la présence d’un jardin privatif ou partagé, d’espaces verts communs, peuvent actionner des leviers de convivialité ou d’indifférence absolu, entre les deux extrêmes la cordialité polie. On ne sait rien de qui reste à bonne distance. »On ne sait pas ce qui se passe parce qu’on ne veut pas savoir ce qui se passe » dit un générique radiophonique. Mais est-ce le cas dans cette ville familière où les murs ne se déplacent que par volonté de destruction ou reconstruction immobilière. Ce qui se trame est toujours proposé sous le sceau de la discrétion malgré les panneaux publicitaires alléchants, et que le moindre trou creusé,est signalé en Mairie.

Mais on n’a pas parlé de la grande fatigue… De la grande fatigue d’avoir à décrire une ville jusqu’à l’arrivée d’hallucinations dans le crâne… La réalité dépasse toujours la fiction et les fabulations. Evitons cela pour le moment !

Fenêtre virtuelle

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.