#40jours #23 | Tu ne vas pas demander la lune, non plus ?

Guillaume TEL – Collection particulière – Oeuvre d’Olivier MOUNIER

Ma position exacte dans l’espace à l’attention des terrestres et des extraterrestres où je vis… JULOS BEAUCARNE | Mon Terroir c’est les Galaxies https://www.youtube.com/watch?v=wFCj-7mVnrg

C’est toujours tout droit et ce sera vertical – Partir d’un lampadaire familier caressé par le feuillage abondant d’un jeune prunier ornemental -dans les premiers jours de Juillet -un lampadaire de ville dans une résidence de banlieue qui s’allume tout seul à partir d’un certain niveau de luminosité résiduelle, dehors – Il s’éclaire automatiquement alors que la lune est en place depuis une poignée de minutes- c’est assez brutal – On retrouve l’espace d’un instant un paysage paradoxal nuit/jour à la René Magritte– Cela donne envie d’aller tout droit sur un plan très incliné pentu à l’extrême et surtout vertical pour chercher la nuit noire dans ses retranchements – Guillaume TEL vient de déclarer qu’il veut la Lune – rien de moins – Il ne se contente plus de sa pomme au-dessus de sa tête – Comme il est sage et poli la plupart du temps il n’est pas question d’éluder sa demande- Portable à la main on a calé l’image au niveau du lampadaire – un modèle à tête de cône à large diamètre pointe en bas – il éclaire autour – on pourrait y chercher des clés- il se contente de nimber les bagnoles d’un halo orange un peu pingre – cela n’a pas beaucoup d’importance puisqu’elles sont rangées sur des espèces d’espaces gourdronnés et numérotés un peu comme des vaches dans une stabulation moderne – La nuit les bagnoles et les vaches dorment comme nous – Mais Guillaume TEL ne perd pas de vue son objectif – il tend la main droite toute pleine de petits doigts dodus dépliés – il y croit qu’on peut aller tout droit jusqu’à la lune et revenir sans escale et sans bruit – La lui ramener toutes mouillée peut-être – La caméra tente le coup pour ne pas le décevoir – elle part dans le noir – remonte le mur de pisé recouvert d’un enduit sableux de teinte indécise entre beige et gris – elle débouche sur du noir liquide jusqu’à ce qu’elle rencontre de petits rectangles de lumière orange au loin – lucarnes en rafales des grands immeubles blancs qui ressemblent au lever du soleil à des barres de nougat verticales – Elle ne s’attarde pas elle continue de monter le plus doucement possible- le noir est installé – elle patiente jusqu’au petit croissant de lune – le reste du premier quartier – celui où normalement où on peut s’asseoir pour se reposer dans les histoires de Pierrot au clair de la lune – mais la lune tremble aujourd’hui comme la caméra – on dirait qu’elle a la fièvre – ses contours arrondis ressemblent à une congestion d’organes irrités par quelque chose d’invisible – La lune tremble et on hésite à lui demander quoi que ce soit – pas même de venir rendre visite au bon Guillaume avant le petit déjeuner – Déception – Alors on décide de redescendre tout droit par le même chemin de ciel sans panneaux indicateurs – on a quitté la ville sans s’en apercevoir – on n’a même pas vu la frontière entre elle et le cosmos – Inutile de vouloir raconter des fadaises à Guillaume – la lune n’est pas encore à vendre ni même à prêter aux rêves possessifs – Elle appartient à tout le monde de très très très loin – Mais le trajet pour aller jusqu’à ses cratères – sans doute des séquelles de varicelle – est vraiment tout droit – Il suffit de viser et de se propulser même si ça demande une longue et fastidieuse préparation – Certaines personnes font le chemin pendant qu’elles dorment – D’autres le font dans des fusées très inconfortables en apesanteur ce sont les plus acharnés – Lorsqu’ielles reviennent ielles mettent plusieurs jours à savoir marcher normalement sur terre – Ielles ont ramassé des cailloux – rameuté de la poussière – Aucun.e d’entre ces internautes n’a ramené de pomme rouge ou de pommier – Le voyage en valait-il le coup ? C’est vous qui le direz. La caméra rangée on n’a pas voulu réveiller Guillaume TEL pour débriefer.

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A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

5 commentaires à propos de “#40jours #23 | Tu ne vas pas demander la lune, non plus ?”

    • Le fait de ne pas pouvoir faire au réel les trajets que nous réclame la consigne oblige à partir de ce que l’on a sous le regard. Le confinement nous a habitué.e.s à nous contenter de cette téléportation imaginaire et c’est seulement maintenant que je m’en sers. Sachant que je peux sortir réellement et partir à plat droit devant moi.Cet exercice m’a agacée puis amusée. Merci pour le passage sur mon balcon !

  1. Quelle splendide embardée… de loin, de très loin, j’entends une chanson d’Anne Sylvestre, « dans ma fusée, j’ai rencontré… »
    liberté sauvage des correspondances, et la syntaxe cavale, somptueusement fluide