#40jours #39 | ville-maison

La ville est un refuge. La chose fixe et sure de laquelle partir et à laquelle revenir. La ville est une maison.

De l’enfance le nom de rue est un pays. Ce n’est pas un départ c’est un déracinement, un arrachage propre et sec des racines d’une plante qui visiblement n’a rien à faire là. J’attendrai 43 ans avant le retour. 43 ans de vacances. De vacance. Un vide dans lequel s’empilera des paysages et des trajets de ces ailleurs. Une série d’autre part qui n’effacera jamais les éblouissements premiers, les rouges et les verts éblouissant des images premières. Images lestées d’odeurs.

Deux villes. Deux départements. Une région. La région centre. La première ville sera la maison choisit par mes parents parce qu’il y a des parents et que plus qu’à un territoire c’est à des parents qu’on revient. La maison des parents des parents n’est pas en ville. Les parents des parents ont loué un appartement dans la grande ville mais il n’est pas libre tout de suite. Il faudra vivre un temps ici dans la campagne de la région centre. Et c’est là que l’on reviendra le dimanche visiter les parents des parents. Et c’est le seul rituel de départ en vacances que je peux convoquer et ce sont des souvenirs plein de contrariétés et d’ennuis que ces départs et ces trajets et ces journées du dimanche. Retourner à ma chambre,  à mon lit, à mes livres, par pitié rentrer. Les parents des parents sont gentils ce n’est pas le problème mais les champs m’ennuient. Les granges me font peur. Tout ce matériel laissé à l’abandon qui servent de perchoir à des poules fantômes. Au secours.

La deuxième ville sera celle de la majorité. Je l’habiterai trente ans avant le retour. Le grand retour qui me permettra de réinstaller mon coeur au centre de mon existence, d’emménager en moi-même d’abord. Et alors je reviendrai dans le centre parce que maintenant je sais que c’est vrai. Maintenant je savais. Du départ il reste la nuit. Le retour se fera dans la nuit sur une route sans personne. Sans rapport avec ce que cela devient le jour. La nuit tombe vite dans l’hémisphère sud. C’est ce que je préfère dans l’hémisphère nord, le jour dure longtemps. C’est le jour et la nuit.

La ville quelle qu’elle soit en premier je l’arpente. En petit déplacement concentrique au début. La ville je l’arpente à pied et quand je suis à l’aise à pied je prend le bus. Les transports en commun. Je n’ai pas le permis. Contrairement à ma mère qui nous emmenait en vacances, qui, pour nous emmener en vacances et éprouver son autonomie s’est acharnée avec succès pour obtenir le permis de conduire ses enfants en vacances. Les chats – Une année le hamster – Les valises empilées sur les sièges arrière – Devant le radio cassette et le moteur de la wolkswagen. C’est elle qui voulait la ville, parce que c’est pratique. Surtout quand on a des enfants. Surtout quand on cherche un travail. 

Surtout quand on a pas le permis. Surtout si on veut partir quand on veut. Aller à pied à la gare. La ville que j’habite aujourd’hui c’est ma maison. Quand je reviens de voyage et que je sors de la gare je vérifie d’un coup d’oeil que tout est en place. Devant l’arrêt du tram, les jeunes en vélo. Le rhinocéros du Mac do . Le magasin de brioche à l’angle, les hommes alcools, palabres et regards en coin. Le dos de la baleine du parking et en face le Vinci, un, maximum deux, taxis que je ne prendrais pas. Et chaque pas qui me conduit à mon adresse efface le voyage. Chaque regard accordé au tilleul du jardin de la préfecture, à la glycine de la rue Buffon, au passage piéton en face des grilles de la préfecture, à l’ange sur la façade de l’opéra, à mon reflet dans les vitres du bar, chacun de ces coup d’oeil balaieront ces 2 jours ou ces 9 mois passés ailleurs. Comme s’il n’y avait pas d’autre ailleurs que chez soi et qu’on le sait parce que justement on y est pas.

Ce n’était pas ma quête la ville. Je m’en rends compte maintenant. Ce n’était pas ma guerre. Echo de la réplique de Sylvester Stallone dans Rambo. Un soldat parti faire la guerre du Vietnam quand il revient, il arrive dans une ville dans laquelle les forces de l’ordre ne veulent pas de lui. Pourchasser il se réfugie dans la forêt. Les hommes de la ville organisent une battue. Le soldat est chez lui dans la forêt. Les autres vivent à coté.

Le problème c’est que je ne sais pas qui je suis quand je suis avec eux.

A propos de Lea Toto

je m'appelle Léa Toto. je travaille dans et pour un théâtre depuis 1997. J'ai animé un atelier théâtre/écriture qui avait été mis en place par François Bon et le metteur en scène Gilles bouillon de 1997 à 2017. Ma base a été le livre Tous les mots sont adultes de François Bon.

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