#40jours-08. Le passé

8/40  Le passé

Je vais vous montrer le présent et pourtant c’est d’abord le passé que je vais évoquer. Dans la commune où j’habitais, j’ai vu arriver le métro. Je parle comme un ancien, le passé sort de ma bouche. Malakoff est une commune limitrophe de Paris, la ligne a été prolongée dans les années soixante-dix. La station « Plateau de Vanves » est sortie de terre, comme une taupinière géante près de la ligne de chemin de fer. Un certain nombre de petits pavillons modestes ont été détruits, des pavillons de second choix. La proximité des trains ne valorise pas l’immobilier. J’ai joué dans ce chantier en cours, je suis descendu dans cette station vide, j’ai pris ces Escalators en acier brillant, j’ai longé ces murs blancs de faïence au bord des quais vides, j’ai marché seul sur ce sol brillant. À l’âge que j’avais, cela était aussi impressionnant qu’un château de la renaissance. Je ne compare pas ces bâtiments, mais dans cette station les hommes avaient aussi fait un bel ouvrage. Aujourd’hui L’avenue Charles de Gaulle est bordée d’arbres, les petits immeubles ont remplacé les pavillons miteux, devant la station de métro il y a un parking pour les vélib. Un terre-plein sépare les voies de la chaussée, cela limite la vitesse de circulation et apporte de la sécurité aux autres usagers. Dans le passé, l’avenue était large, équipée de trottoirs bancals, on prenait de la vitesse pour passer cette vilaine avenue. Je pense que les personnes âgées qui voient le quartier aujourd’hui disent : c’est beau maintenant.
Le terminus de la ligne de bus 126 à la porte d’Orléans. Le passé encore, je me souviens de ces voyages, ces week-ends exotiques. On partait de Malakoff, on montait dans le bus en bas de chez nous, près de la station-service. Le voyage durait une demi-heure, après avoir traversé Malakoff, il fallait traverser Montrouge, quelle aventure, on devait faire cinq kilomètres, non, je viens de vérifier, on faisait trois kilomètres, tout paraît plus grand quand on est enfant. Le terminus, la porte d’Orléans, les arrêts étaient faits d’abri de verre et de tôle peint en vert, des barrières protégeaient les piétons, quelques accidents avaient dû arriver. Un voyageur inquiet avait dû slalomer entre les bus et se faire écraser. Aujourd’hui, la ligne 126 ne relie plus que Malakoff à Saint — Cloud, le tramway est arrivé. À la place du terminus il y a un arrêt de tram ordinaire. J’ai fait ces voyages du vendredi soir, j’ai vécu ces aventures. J’ai connu ces arrivées dans ce vieil appartement, l’allumage du poêle à gaz, les samedis matin à faire du patin à roulettes au square. C’était un autre siècle.

A propos de Laurent Stratos

J'écris. Voir en ligne histoire du tas de sable.

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